Au lendemain de la présidentielle d’octobre 2025, le Cameroun est en proie à une répression violente. Des centaines d’arrestations, des dizaines de morts et des conditions de détention inhumaines sont documentées par le collectif d’avocats « Défense Citoyenne ». Maître Thierry Njifen, l’un de ses membres, annonce que le collectif prépare des poursuites auprès de la Cour pénale internationale (CPI) et du Tribunal judiciaire de Paris.
Selon Maître Thierry Njifen, coordinateur du collectif « Défense Citoyenne », près de 1 200 personnes ont été interpellées dans la région du Littoral, principalement à Douala, tandis que des centaines d’autres ont été arrêtées à Maroua, Bafoussam, Dschang et Bertoua. Parmi elles, des mineurs de moins de 16 ans. Interviewé par Théophile Kouamouo, journaliste français d'origine camerounaise, il avance un bilan des victimes glaçant : 29 personnes ont été tuées par balles, selon les chiffres recensés par le collectif d’avocats. D’autres sources avancent le chiffre de 65 victimes qui ont perdu la vie. « La plupart du temps, les cadavres de ces personnes sont emportés par l’armée », précise Maître Njifen, rendant difficile l’établissement d’un décompte exact.
Des conditions de détention contraires aux droits fondamentaux
Les avocats rencontrent d’importantes entraves pour accéder aux détenus. « On nous répond systématiquement que des instructions ont été données en haut lieu : pas d’accès aux avocats, ni aux familles, ni à un médecin », dénonce Maître Njifen. Les conditions de détention sont inhumaines : les détenus sont « parqués, à découvert dans la cour, très souvent assis à même le sol, torses nus, d’autres totalement nus ». Certains présentent des visages tuméfiés, preuves de maltraitances. Pire, les familles n’ont pas le droit de leur apporter de la nourriture, et les détenus sont déclarés « responsables de leur propre prise en charge, y compris s’ils sont malades ».
Une stratégie de terreur
Maître Njifen est formel : « Nous pensons que c’est quelque chose de systémique, de structurel, qui est organisé et qui est dans l’ordre donné au plus haut sommet de l’État. ». Cette impunité suggère une répression systémique. Le déploiement de militaires, notamment du Bataillon d’intervention rapide (BIR), en zones urbaines est vivement critiqué : « Le BIR n’a rien à faire en zones urbaines pour le maintien de l’ordre. » L’avocat évoque également la possibilité que le pouvoir ait infiltré les manifestations pour justifier la répression. Il appelle à des enquêtes indépendantes pour « clarifier toute la situation ».
Violations des engagements internationaux
Le gouvernement camerounais bafoue allègrement le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qu’il a pourtant ratifié. Les articles 6 (droit à la vie), 7 (interdiction de la torture), 9 (droit à la liberté et à la sécurité) et 10 (droit des détenus à un traitement humain) sont systématiquement violés. Des exécutions sommaires, des arrestations arbitraires, des traitements inhumains et des détentions au secret sont documentés. Le refus d’accès aux avocats et aux soins médicaux constitue une atteinte grave au droit à un procès équitable, pourtant garanti par l’article 14.
Des poursuites internationales en préparation
Face à cette situation, le collectif « Défense Citoyenne » prépare des recours juridiques internationaux. « Nous sommes en train de documenter (…) pour introduire une plainte auprès du procureur de la Cour pénale internationale », annonce Maître Njifen. Il accuse également la France de fournir des équipements militaires détournés de leur objectif initial : « Le matériel donné dans le cadre de la coopération (…) est détourné à des fins de répression contre les Camerounais. » Et pour cela, une plainte pourrait être déposée devant le Tribunal judiciaire de Paris.
La mobilisation citoyenne et internationale sollicitée
Maître Njifen appelle les Camerounais de la diaspora à soutenir leur action, notamment via le mouvement Stand Up Cameroon, pour apporter des ressources financières, techniques et logistiques. « Nous avons besoin de professionnels, comme des informaticiens, pour agréger les photos et vidéos des personnes tuées ou arrêtées. »
Alors que le pays observe des journées « villes mortes » en signe de protestation, la documentation des exactions se poursuit. La lumière internationale pourrait être le dernier rempart contre une répression qui rappelle, pour beaucoup, les heures les plus sombres de l’histoire du Cameroun.
DEJIO M.