Réélection de Paul Biya : félicitations en demi-teinte

Réélection de Paul Biya : félicitations en demi-teinte

Le président Paul Biya a été déclaré vainqueur de l’élection présidentielle du 12 octobre 2025 avec 53,66 % des voix. Les réactions internationales oscillent entre soutien prudent des alliés traditionnels et silence éloquent des grandes puissances, révélant les profondes préoccupations sur la crédibilité du processus électoral et le respect des droits humains. Sur le terrain, le climat politique est explosif : contestations populaires, violences et incertitudes pour l’avenir du pays.

La réélection de Paul Biya, officialisée le 27 octobre 2025, dessine une carte mondiale du soutien très contrastée. Si des partenaires traditionnels comme la Russie, le Maroc et l’Algérie ont rapidement adressé leurs félicitations, l’absence de réaction de grands pays africains et occidentaux est frappante. Cette division diplomatique reflète les fortes contestations entourant le processus électoral.

L'Afrique divisée dans sa réponse

Le continent africain lui-même affiche des positions contrastées. Le Gabon a été l’un des premiers à réagir. Dès le 27 octobre, le président Brice Clotaire Oligui Nguema a transmis ses "félicitations (...) suite à la réélection de Paul Biya" . Même empressement du Tchad et de la Centrafrique. Le président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno a salué une "brillante réélection". Le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra y a vu "un hommage à ses qualités humaines et intellectuelles". La Russie, le Maroc et l'Algérie ont également apporté leur soutien. Des messages perçus comme un renforcement des alliances stratégiques.

Certains messages de soutien sont teintés de critiques. L’Union africaine, bien qu’ayant félicité Paul Biya le 29 octobre, a accompagné sa reconnaissance d’une expression de préoccupation concernant "certains incidents". Une position mitigée qui montre le malaise de l’institution panafricaine face à un scrutin controversé.

Le silence parlant des grandes puissances

À l'inverse, certaines grandes puissances régionales gardent le silence. Le Nigéria, voisin et poids lourd de la région, n'a émis aucune félicitation. Même retenue de l'Afrique du Sud et du Kenya. Ces pays, respectueux des principes démocratiques, semblent attendre des clarifications.

Plusieurs grands pays et organisations observent une retenue remarquée. Les États-Unis, la France et l'Union européenne se sont abstenus de toute félicitation directe. La France a simplement "pris acte" des résultats. Une formulation diplomatique qui en dit long sur le malaise parisien. Les États-Unis, traditionnellement exigeants sur l'intégrité électorale, n'ont publié aucun message officiel.

L'Union européenne a exprimé de "vives préoccupations". Notamment sur les violences et les violations des droits humains. Cette position rejoint celle du Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme.

Des violations des droits humains documentées

Depuis l’annonce des résultats, le Cameroun vit au rythme de protestations et de répressions. La société civile s’insurge contre la montée de la violence et contre "la violation systématique des droits fondamentaux", selon des experts . Il faut rappeler que, selon le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP), que le Cameroun a ratifié, l'État est tenu de respecter, protéger et assurer les droits civils et politiques de ses citoyens. Les récents événements montrent une entorse à ces engagements fondamentaux. 

La répression violente des manifestations post-électorales a entraîné des arrestations arbitraires, des restrictions abusives à la liberté d’expression et d’assemblée, et des recours excessifs à la force. Des rapports font état des dizaines de manifestants tués par balles. Le droit à un procès équitable n'a pas toujours été garanti pour les personnes arrêtées lors des manifestations. Ces actions contreviennent aux articles 9, 14, 19 et 21 du PIDCP, que le Cameroun a ratifié.

Les organisations de défense des droits humains sont montées au créneau. Amnesty International et Human Rights Watch ont dénoncé la violence. Elles réclament des enquêtes indépendantes.

Une légitimité en question

L'absence de félicitations occidentales et africaines n'est pas anodine. Elle souligne les doutes persistants sur la régularité du scrutin. Issa Tchiroma Bakary, annoncé deuxième aux résultats officiels, maintient qu’il est le “président élu” par les urnes.  Les observateurs internationaux avaient pointé des irrégularités. L'opposition camerounaise conteste vivement les résultats. Elle dénonce une fraude pmassive. Les violences post-électorales ont exacerbé les tensions.

Quel avenir pour le Cameroun ?

Le silence des uns et les félicitations mitigées des autres dessinent une nouvelle carte des alliances. Le Cameroun devra naviguer avec prudence dans ce paysage diplomatique recomposé. La réélection de Paul Biya ouvre donc un chapitre incertain. Entre isolement croissant et renforcement des alliances existantes, l'équilibre sera difficile à trouver. La réponse du gouvernement aux contestations internes  sera déterminante pour l'avenir du pays.

L’élection du 12 octobre 2025 aurait pu être un nouveau départ pour le Cameroun. Elle a plutôt renforcé les lignes de fracture. Certains États et voisins ont adressé leurs félicitations, alors que d’autres grandes puissances et institutions internationales temporisent, ne souhaitant pas légitimer un processus jugé opaque. Sur le terrain, des violences post-électorales, des protestations et des droits fondamentaux mis à mal plaident pour un dialogue national urgent.

Étienne TASSÉ