Alors que le Cameroun bat un record avec 82 candidatures à l’élection présidentielle d’octobre, une menace grave plane sur la sincérité du scrutin : la possible disqualification de Maurice Kamto. Derrière cette effervescence apparente, se cache une manœuvre sournoise pour priver les Camerounais de leur droit fondamental à choisir librement leur dirigeant. En droit comme en conscience, empêcher Kamto de se présenter serait une violation flagrante de ses droits humains — et une insulte à l’esprit même de la démocratie.
Jamais une élection présidentielle n’a autant attiré les convoitises. 82 dossiers de candidature ont été déposés auprès d’Elecam, battant tous les records précédents. Ce foisonnement, qui pourrait ressembler à un élan démocratique, cache en réalité une stratégie politique éprouvée : noyer le vrai débat, saturer l’espace médiatique, diluer l’opposition, tout en tentant d’écarter les candidats les plus redoutés du pouvoir.
Et parmi eux, Maurice Kamto, candidat du Manidem, arrivé officiellement deuxième à la présidentielle de 2018 . Mais cette année, des voix s’élèvent au sein du parti au pouvoir pour contester la validité de sa candidature, invoquant des motifs purement administratifs — une tentative à peine voilée de l’écarter de la course.
Exclure Kamto serait un crime contre la démocratie
Qu’on le veuille ou non, Maurice Kamto est un citoyen camerounais jouissant pleinement de ses droits civils et politiques. À ce jour, aucune condamnation judiciaire ne l’empêche légalement de se présenter. L’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par le Cameroun, est clair : « Tout citoyen a le droit (…) de voter et d’être élu à des fonctions publiques, sans restrictions déraisonnables. »
De même, l’article 13 de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance garantit à chaque citoyen la pleine participation à la vie politique, en toute égalité. La Constitution camerounaise elle-même, en son article 2, reconnaît que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par voie d’élection. »
Dès lors, refuser la candidature de Kamto sur la base de motifs fallacieux reviendrait à violer de manière grave et manifeste ces textes.
Ce qui se joue dépasse un homme : c’est la liberté d’un peuple
Il serait simpliste de réduire cette affaire à la seule ambition d’un homme. Ce que la candidature de Maurice Kamto incarne, c’est la possibilité d’une véritable alternance, le droit à l’espoir, la légitimité d’un projet politique porté par une partie significative de la population camerounaise, notamment chez les jeunes et les classes urbaines.
Empêcher sa candidature, c’est museler des millions de Camerounais. C’est envoyer le signal que l’élection n’est qu’une mise en scène, un décor vide de sens, orchestré pour maintenir au pouvoir un président âgé de 92 ans, au terme de plus de quatre décennies de règne.
Une exclusion arbitraire aux conséquences dangereuses
Le Cameroun vit déjà sous haute tension : crise anglophone, insécurité croissante à l’Extrême-Nord, pauvreté galopante, exode des jeunes… Dans ce contexte fragile, l’exclusion de Kamto ne ferait qu’aggraver la défiance vis-à-vis des institutions. Elle risquerait de radicaliser une frange importante de la population, d’exacerber les tensions communautaires et d’entraîner des troubles difficilement maîtrisables.
Le Comité des droits de l’Homme de l’ONU, dans plusieurs décisions, a rappelé que toute exclusion électorale arbitraire est un facteur de déstabilisation politique. Le Cameroun ne peut pas se permettre un nouveau cycle de répression et de contestation post-électorale.
Un test pour la démocratie camerounaise
Accepter la candidature de Maurice Kamto, c’est faire preuve de respect pour l’État de droit. C’est envoyer un message fort aux Camerounais et au monde : celui d’un pays qui choisit la légalité et la justice, plutôt que l’exclusion et la peur. Si Elecam ou la Cour constitutionnelle venaient à invalider cette candidature pour des raisons non conformes au droit, ce serait un revers dramatique pour la démocratie camerounaise — et un affront aux conventions internationales que le pays a pourtant librement signées. Le peuple a le droit de choisir. Ce droit ne se discute pas, il se respecte.
Etienne TASSE