Dans une déclaration publiée le 16 juin, le Pr. Maurice Kamto alerte sur des tentatives de « coups d’État » – électoral ou militaire – fomentés par le régime RDPC pour empêcher l’alternance démocratique. Alors que l’opposition prend de l’ampleur et que le peuple semble prêt pour le changement, le parti au pouvoir multiplie les manœuvres. Décryptage d’un climat politique tendu.
« Il flotte un air de coup d’État sur le Cameroun ». Dès les premières lignes de sa déclaration, Maurice Kamto, leader du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), donne le ton. À quatre mois de la présidentielle d’octobre 2025, le ton est grave. Pour lui, le régime du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) est aux abois.
Ce climat d’alerte n’est pas nouveau. Déjà le 10 mai 2024, Kamto évoquait les risques d’un double coup d’État – électoral et militaire – orchestré par le pouvoir en place. Aujourd’hui, les signes se multiplient : refus de publier la liste électorale nationale, blocage de plaintes judiciaires, discours menaçants contre l’opposition… Autant d’indices, selon lui, d’un régime en pleine panique.
La peur du changement
Pourquoi tant de fébrilité au sommet de l’État ? Pour Kamto, la réponse est claire : « Il est désormais évident que le RDPC a peur de perdre le pouvoir. Il sait qu’il ne peut gagner une élection transparente et libre dans notre pays ». Le leader du MRC estime que le RDPC est dans une impasse stratégique, incapable de présenter un candidat crédible à l’élection, y compris le président sortant, dont le mandat à la tête du parti serait échu depuis 2016. L’un des points juridiques soulevés dans sa déclaration est d’ailleurs central : « Celui qui est généralement présenté comme le candidat naturel du RDPC ne peut juridiquement être candidat de ce parti à la prochaine élection présidentielle, au regard des statuts de son parti ».
Face à l’impasse, la tentation du pire : fraudes, provocations, violences, etc. Kamto avertit : « Plus on approche du scrutin présidentiel, plus ce régime est tenté par le pire, dans l’illusion de conserver encore le pouvoir contre la volonté du peuple. »
Kamto, un adversaire redouté
Ce qui inquiète tant le pouvoir, c’est aussi le profil même de Maurice Kamto. Ancien ministre, juriste émérite, homme de dossiers et tribunicien redoutable, il incarne l'alternance crédible. Son discours, construit et apaisant, tranche avec la brutalité de certains adversaires politiques.
Plus encore, il porte une vision : réconcilier le Cameroun avec son histoire blessée, reconstruire l’unité nationale, et tourner la page des violences du passé. « Trop de rancœurs ont été accumulées […] pour qu’un dirigeant patriote ne soit pas habité par le souci d’apaisement voire de guérison des mémoires plurielles blessées. »
Son engagement en faveur d’une alternance pacifique séduit de plus en plus. Le meeting du 31 mai dernier à Paris en est une preuve éclatante. Une démonstration de force populaire qui a, selon lui, « mis en transe le pouvoir », au point que certains ministres se sont rués sur les réseaux sociaux pour des réponses « ubuesques ».
Des menaces réelles, des silences inquiétants
Plus troublant encore, Kamto rappelle que des militants du RDPC ont publiquement envisagé un coup d’État militaire si le MRC remportait la présidentielle. L’un d’eux déclarait : « Si le MRC gagne l’élection présidentielle en 2025, l’armée peut faire un coup d’État contre Kamto ». Malgré une plainte déposée depuis septembre 2023, aucune suite judiciaire n’a été donnée. « Une telle impunité est inquiétante », insiste Kamto, d’autant plus que ces propos n’ont jamais été désavoués par la hiérarchie du RDPC.
En parallèle, le refus de publication de la liste électorale nationale par ELECAM, en violation de l’article 80 du Code électoral, est dénoncé comme la preuve d’un « coup d’État électoral en préparation».
L’ONU et la France interpellées
La déclaration de Maurice Kamto ne s’arrête pas aux autorités locales. Elle interpelle également l’ONU et la France. La première pour avoir signé une convention avec ELECAM, pourtant accusée de partialité. La seconde, pour la visite en toute discrétion d’un général français au Cameroun, venu discuter des questions sécuritaires en lien avec la présidentielle.
Kamto prévient : « La France et l’ONU sont-elles vraiment conscientes du rôle que veut leur faire jouer le régime RDPC dans la mise en application de son projet de coup d’État militaire ? Leur responsabilité sera engagée si, par malheur, advenait le pire. »
Le peuple au centre du jeu
Mais Kamto n’en reste pas au constat. Il appelle à la mobilisation populaire, dans le respect des lois, pour faire échec à toute tentative de confiscation du pouvoir. « Le Cameroun est déjà entré dans la période de l’élection présidentielle », rappelle-t-il, en référence à l’article 86 alinéa 2 du Code électoral parlant de la convocation du corps électoral. Pour lui, toute manœuvre de report du scrutin serait une « agression du peuple camerounais qui déclencherait automatiquement sa légitime défense ».
La montée en puissance de Maurice Kamto, la mobilisation croissante de la diaspora et l’usure visible du régime en place créent un cocktail explosif à l’approche du scrutin. En dénonçant, preuves à l’appui, une série de dérives et de menaces, le candidat du MRC se positionne comme le garant de la démocratie et de la paix. Le pouvoir, lui, semble hésiter entre tolérance et répression.
DEJIO M.