À quelques semaines de la convocation du corps électoral pour l’élection présidentielle d’octobre 2025, la signature d’une convention entre ELECAM et l’ONU suscite de vives inquiétudes au sein de l’opposition camerounaise. Le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), appuyé par l’Alliance Politique pour le Changement (APC) et le collectif du Peuple du Changement, y voit un danger pour la transparence électorale. Maurice Kamto monte au créneau pour dénoncer ce qu’il qualifie de « manœuvre obscure » et interpelle les Nations Unies.
Le 9 mai 2025, une convention a été signée à Yaoundé entre Elections Cameroon (ELECAM) et l’Organisation des Nations Unies (ONU), avec pour objectif affiché d’« optimiser les élections au Cameroun » et de « renforcer la transparence et l’inclusivité du processus électoral ». Pourtant, loin de rassurer, cette initiative a déclenché une levée de boucliers dans les rangs de l’opposition. Le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) déplore n’avoir été ni consulté, ni même informé du contenu de cette convention.
« Le MRC condamne fermement la démarche inconvenante d’ELECAM en cette période aussi importante et sensible de la vie politique nationale », écrit Maurice Kamto, qui dénonce l’exclusion des partis politiques, « acteurs majeurs du processus électoral », de toute concertation préalable. Pour le MRC, cette convention signée dans l’opacité est d’autant plus problématique qu’elle s’appliquera à une élection cruciale, dont les préparatifs sont entachés de nombreuses irrégularités.
Des exigences ignorées malgré des signaux alarmants
Depuis plusieurs années, l’opposition réclame une réforme en profondeur du Code électoral. ELECAM elle-même avait reconnu la nécessité de cette réforme à la suite de la présidentielle de 2018. Pourtant, rien n’a été fait. Pire, selon Kamto, le Code électoral en vigueur est « allègrement et obstinément » violé par ELECAM. L’exemple le plus emblématique serait le refus du Directeur Général des Elections de publier la liste électorale nationale, en violation flagrante de l’article 80 de la loi électorale.
Face à ces défaillances, l’opposition espérait une posture rigoureuse de la part des Nations Unies. À l’inverse, la signature de cette convention apparaît, selon Kamto, comme un soutien implicite à un système décrié. Il rappelle : « L’ONU est pleinement informée de cette situation, car le MRC s’est toujours fait le devoir de porter à sa connaissance ces actes de répression et autres entraves à la démocratie ».
Au lieu d’éclaircir les zones d’ombre, la communication tardive d’ELECAM n’a fait que renforcer les soupçons. Le communiqué du Président du Conseil Électoral publié le 15 mai 2025, soit six jours après la signature, reste « volontairement silencieux sur les termes de la Convention », souligne le MRC.
« Nous ne sommes toujours pas informés du contenu de la convention signée », déclare Kamto, qui déplore le mystère entretenu autour d’un texte censé s’appliquer au scrutin présidentiel. Le MRC, l’APC et le Peuple du Changement exigent donc que la convention soit rendue publique, « au même titre que la Constitution du Cameroun et son Code Électoral ».
Un climat de répression incompatible avec une élection libre
Pour l’opposition, cette convention est non seulement obscure, mais elle s’inscrit dans un contexte politique répressif. Elle dénonce une série de violations des droits humains qui entachent la crédibilité du processus électoral.
Parmi les faits rapportés : assassinats non élucidés, tortures, détentions arbitraires de militants de l’opposition, usage d’armes à feu contre des manifestants désarmés. Le MRC rappelle que l’ONU a été saisie à plusieurs reprises, notamment lors de réunions tenues en juillet et août 2024 à Yaoundé. Pourtant, aucune réaction concrète n’a suivi.
Une atteinte au droit à l’information et à la participation démocratique
Pour le MRC, l'opacité qui entoure la Convention signée le 9 mai 2025 entre l’ONU et ELECAM constitue une violation flagrante des droits fondamentaux garantis par les instruments internationaux relatifs aux droits humains. En ne rendant pas public le contenu d’un accord appelé à encadrer le processus électoral présidentiel d’octobre 2025, le régime camerounais et ses partenaires violent le droit à l’information des citoyens. Le silence prolongé sur cette convention empêche les citoyens, les partis politiques et la société civile d’exercer leur droit de regard et de participation au processus démocratique.
De plus, en écartant les principaux acteurs du processus électoral — notamment les partis politiques — des discussions préalables à la signature de cette convention, le régime en place porte atteinte au droit à la participation politique, garanti par l’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui assure à chaque citoyen « le droit et la possibilité […] de prendre part à la conduite des affaires publiques, directement ou par l’intermédiaire de représentants librement choisis ». Le MRC y voit une manœuvre d’exclusion délibérée visant à confisquer le processus électoral, ce qui jette une ombre sur la légitimité même du scrutins à venir.
Le spectre d’un précédent ivoirien
En toile de fond, une crainte majeure : que l’intervention de l’ONU, loin de garantir la transparence, ne serve à « cautionner » un processus biaisé. Kamto cite l’exemple de la Côte d’Ivoire en 2010, où l’implication des Nations Unies dans le processus électoral avait précédé une crise post-électorale dramatique. Il s’interroge : « L’ONU engage-t-elle une nouvelle fois son entière responsabilité dans les fraudes pré-électorales, électorales et post-électorales qui pourraient travestir les résultats de la prochaine élection présidentielle ? »
Le MRC met également en garde contre une instrumentalisation politique de l’ONU par le régime en place, rappelant que l’actuel Président de l’Assemblée Générale des Nations Unies, Philémon Yang, est un haut cadre du RDPC.
Vers une mobiliĺsation politique accrue
Face à ces risques, le MRC appelle l’ensemble des candidats à la présidentielle à se mobiliser pour « dénoncer cette convention signée en catimini » et à exiger sa publication immédiate. Le parti affirme rester « saisi de cette affaire » et se dit déterminé à « ne pas laisser le peuple camerounais se faire voler les résultats de l’élection présidentielle d’octobre prochain ».
Pour terminer, Maurice Kamto appelle l’ONU à « se désolidariser publiquement » de cette convention, si elle ne souhaite pas apparaître comme complice d’un régime en perte de légitimité. À défaut, elle porterait la lourde responsabilité de l’éventuelle crise électorale à venir.
Étienne TASSÉ