Candidature de Kamto à la Présidentielle 2025 : but décisif du MRC

Candidature de Kamto à la Présidentielle 2025 : but décisif du MRC

Alors que les tambours de la présidentielle 2025 résonnent, une tempête juridico-politique secoue le Cameroun. Le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), longtemps accusé d’être « hors jeu » après son boycott des municipales de 2020, vient de marquer un but stratégique. Grâce à l’adhésion de Maître Tsapy Joseph Lavoisier et de dizaines de conseillers municipaux, le parti de Maurice Kamto brandit désormais l’article 15 de la Constitution comme un bouclier face à ses détracteurs. Décryptage d’un coup de maître qui pourrait redessiner l’échiquier électoral.  

Le 11 mai 2025, le siège régional du MRC à Bafoussam a vibré au rythme d’une cérémonie historique. Maître Tsapy Joseph Lavoisier, ancien pilier juridique du SDF et premier adjoint au maire de Bafoussam 1er, a officiellement rejoint le MRC avec plusieurs dizaines de conseillers municipaux en fonction . Ces ralliements transforment le paysage politique local : le MRC, bien qu’absent des urnes en 2020, compte désormais des élus siégeant sous sa bannière.  

Selon le Pr Moïse Timtchueng, agrégé de droit privé, « le mandat appartient à l’élu, pas au parti» . L’alinéa 3 de l’article 15 de la Constitution camerounaise annule « tout mandat impératif », permettant aux élus de changer d’étiquette politique sans perdre leur siège. Ainsi, les conseillers municipaux de Bafoussam 1er, désormais encartés au MRC, représentent légalement le parti dans les instances locales.  

Les trois piliers juridiques de la légitimité du MRC

1. Le socle constitutionnel : la primauté de l’individu sur le parti

Le Pr Timtchueng rappelle que la Constitution camerounaise consacre un système de mandat représentatif . L’élu incarne la nation entière, non son parti d’origine. Ainsi, un conseiller municipal passant au MRC ne « trahit » pas son mandat : il l’exerce désormais sous de nouvelles couleurs, conformément à la liberté d’association.  

2. L’article 121 du Code électoral : une porte ouverte

L’article 121 permet à un parti d’investir un candidat s’il est « représenté » dans une instance élue. Or, le terme « représenté » ne se limite pas aux élus issus des urnes sous sa bannière. Pour le Pr Timtchueng, « si un élu siège aujourd’hui au MRC, le parti est représenté hic et nunc, peu importe son origine électorale ».  

3. La jurisprudence : l’exemple Oscar Edimo Ndoumbe 

En 2019, le député Oscar Edimo Ndoumbe (ex-SDF) avait rejoint le parti au pouvoir . Ce précédent confirme que les transfuges politiques peuvent légalement représenter leur nouveau parti. Malgré les protestations véhémentes de l’opposition, il fut accueilli avec tous les honneurs au sein du groupe parlementaire du parti présidentiel. Le Conseil constitutionnel et l’Assemblée nationale n’y trouvèrent rien à redire. Pourquoi le MRC serait-il aujourd’hui privé d’un droit que le RDPC a pleinement exercé hier ? Poser la question, c’est déjà en dévoiler l’iniquité.

Violation du droit africain si Kamto est écarté

Les partisans du parti au pouvoir  affirment que le MRC, absent en 2020, ne peut «récupérer » des élus a posteriori. Pourtant, la Constitution ne lie pas la représentativité d’un parti à sa participation passée aux élections. L’argument du boycott passé, brandi par les détracteurs du MRC, tombe donc comme une armure vide. Parti politique sans conseillers municipaux élus en 2020, certes, mais avec des conseillers municipaux en fonction en 2025.

Rejeter une candidature portée par un parti légalement représenté sur la base d’une lecture figée et rétroactive du Code électoral serait une violation flagrante de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance. Celle-ci impose aux États signataires – dont le Cameroun – de garantir le pluralisme politique, la liberté des partis, l’égalité d’accès des candidats à la compétition électorale, ainsi que «la suprématie de la Constitution dans leur organisation politique»..

Empêcher Maurice Kamto de se présenter au nom du MRC, en dépit d’une représentation effective dans les institutions, reviendrait à priver une large frange de l’électorat camerounais de son droit à une offre politique plurielle. Ce serait dénaturer la démocratie par un légalisme opportuniste. En niant l’effet juridique des adhésions récentes, le Cameroun ouvrirait la porte à une contestation internationale, sapant sa crédibilité démocratique. 

 Le Conseil constitutionnel : l’épée de Damoclès

Reste la crainte d’un arbitrage politique du Conseil constitutionnel, dominé par des proches du RDPC. Mais comme le souligne le Pr Timtchueng, « le droit doit primer sur les calculs partisans ».  Le MRC a désormais les armes juridiques pour légitimer Kamto. Les adhésions de Bafoussam 1er ne sont pas qu’un symbole : elles sont un rempart constitutionnel contre l’arbitraire. Reste à savoir si Elecam et le  Conseil constitutionnel choisiront la lettre de la loi ou les vieux démons de l’exclusion.  « En politique comme en droit, il est des moments où les principes doivent transcender les peurs », conclut le Pr Timtchueng. Et si 2025 marquait enfin ce tournant ?  

Étienne TASSÉ