À l’occasion du 1ᵉʳ mai 2025, journée internationale du Travail, le Cameroun affiche un bilan mitigé. Malgré un cadre juridique progressiste, le droit à un travail décent reste un mirage pour des millions de citoyens. Entre chômage endémique, discriminations persistantes et dialogue social étouffé, l’État camerounais peine à honorer ses engagements.
Le Cameroun est doté d’une Constitution et d’un Code du travail (loi de 1992) qui garantissent théoriquement le droit au travail, l’égalité salariale et la liberté syndicale . Pourtant, ces textes ressemblent trop souvent à des miroirs aux alouettes. L’Organisation Internationale du Travail (OIT) relève des lacunes criantes : le pays traîne à ratifier des conventions clés, comme celles sur la sécurité sociale (1952) ou la durée du travail (1919) . Pis, les travailleurs camerounais naviguent dans un océan de précarité : seuls 10 % des routes sont entretenues, symbole d’un État qui laisse ses infrastructures – et ses emplois – se déliter .
Le chômage des jeunes, une bombe à retardement sociale
Avec un taux d’activité stagnant autour de 77 % , le Cameroun voit sa jeunesse s’enliser dans le chômage. Les diplômés sont condamnés à des « jobs de survie », tandis que le secteur informel devient une planche pourrie pour échapper au naufrage économique. Le salaire minimum (43 969 Fcfa/mois) est une bouée trop petite face à la vague inflationniste . Comme le dénonce Maurice Kamto, leader de l’opposition camerounaise, «aucun signal positif n’a été donné pour l’amélioration des politiques du travail décent » . L’État campe en spectateur, alors que les entreprises privées, souvent soutenues par des contrats publics opaques, brillent par leur inertie .
Le Code du travail camerounais interdit la discrimination, mais les femmes restent prisonnières de stéréotypes archaïques. Certaines lois invoquent même « l’intérêt du ménage » pour justifier des restrictions à leur emploi . Les personnes handicapées, bien que prioritaires en théorie, sont reléguées aux marges du marché du travail. Un paradoxe dans un pays qui a pourtant ratifié la convention sur la sécurité sanitaire au travail en 2021 .
Dialogue social, du pur théâtre
Avec plus de 200 syndicats éparpillés et un taux de syndicalisation en chute libre (46,85 % en 1996) , les travailleurs camerounais manquent de porte-voix unifiés. Le GECAM, syndicat patronal, domine les négociations, réduisant les employés à des figurants. Les grèves sont étouffées, les conventions collectives rarement appliquées. Pendant ce temps, le gouvernement signe des chartes mondiales tout en ignorant les recommandations de l’OIT.
Le thème du 1ᵉʳ mai 2025 - « Responsabilité sociale des entreprises et des syndicats pour le travail décent » - a l’air d’une cruelle ironie. Les entreprises camerounaises, notamment dans le BTP, sont régulièrement épinglées pour leur défaillance . Pire, elles profitent d’un système où la « mal-gouvernance » et l’opacité sont la règle . Les travailleurs, eux, paient le prix fort : pas de protection sociale, des salaires de misère, et des conditions de travail dignes du XIXᵉ siècle.
L’urgence d’un sursaut
En ce 1ᵉʳ mai 2025, le Cameroun doit choisir, soit de continuer à cultiver le fossé entre les textes et la réalité, soit, enfin, semer les graines d’un travail décent. L’État doit également songer à ratifier les conventions de l’OIT, muscler l’inspection du travail, et forcer les entreprises à respecter leurs obligations. Sans quoi, la colère des laissés-pour-compte risque de transformer le chantier social en champ de ruines.
DEJIO M.