À quelques mois de l’élection présidentielle d’octobre 2025, alors que les murmures du peuple camerounais deviennent cris, l’Église catholique, par la voix courageuse de Mgr Paul Lontsié-Keuné, évêque de Bafoussam, refuse de se taire. Dans un contexte de désespoir rampant, entre crise économique, insécurité et délitement social, l’homme de Dieu brandit la flamme de l’espérance, rappelle l’importance du vote, et exhorte chacun à redevenir gardien de son destin.
Le Cameroun, ce pays aux multiples promesses, ressemble aujourd’hui à un vaste champ aride, où l’espoir peine à germer. Entre la misère galopante, les féminicides, les routes dévorées par le temps, et l’eau qui se fait rare, le peuple, tel un mendiant au seuil du palais, attend des lendemains meilleurs. Et dans ce concert de désespoir, une voix s’élève : celle de Mgr Paul Lontsié-Keuné. « Il ne faut pas mourir avant de mourir », martèle-t-il dans son homélie prononcée lors du pèlerinage diocésain d’avril dernier. Une parole forte, qui fait l’effet d’une gifle dans un pays où tant ont baissé les bras. Le message de Carême 2025 de l’évêque de Bafoussam est un cri du cœur, une mise en garde, un appel à la responsabilité. Il rappelle avec force que l’Église ne peut rester muette face aux douleurs du peuple. Car le silence, dans certains contextes, devient un péché. Et s’il faut risquer la prison pour dire la vérité, mieux vaut cela que l’enfer du reniement.
L’Église comme dernier recours
Le rôle de l’Église n’est pas de faire de la politique politicienne, mais de mettre la lumière là où règne les ténèbres. Et aujourd’hui, ces ténèbres sont épaisses. À Buéa, en janvier dernier, les évêques du Cameroun ont tiré la sonnette d’alarme : le désespoir est devenu une seconde peau pour beaucoup de Camerounais. Chômage des jeunes diplômés, pression fiscale insoutenable, corruption tentaculaire, insécurité chronique... Le Cameroun semble jouer une partition dissonante où les plus vulnérables paient la note. Face à l'indignation muette, l'évêque lance : « Dieu ne se contente pas d’entendre les plaintes de ses enfants. L’espérance ne déçoit pas. » Des mots qui réchauffent, mais qui interpellent aussi. Car l’espérance est une graine qui demande des mains pour être semée. Et le bulletin de vote est l’un de ces outils.
Voter c’est semer une graine
À quelques mois de l’élection présidentielle, l’appel de Mgr Lontsié-Keuné est une alerte : il faut s’inscrire, voter, et veiller sur son vote. Car dans un pays où la sardine et le pain, le riz, le savon ou de l’argent sont devenus des bulletins de vote déguisés, il est temps de dire non à l’humiliation travestie en générosité. « Ceux qui achètent les votes — par les 500, les 2 000, les 3 000, les kilos de riz — arrêtez de le faire, parce que ce n’est pas catholique », dénonce-t-il. Le vote est plus qu’un droit : c’est une offrande de dignité, un acte prophétique. Ne pas voter, ou voter par résignation, c’est nourrir le monstre du statu quo, c’est se faire complice d’un avenir confisqué. « Votez selon votre conscience », dit-il encore. Car la conscience est ce flambeau que même les vents de la peur ne doivent pas éteindre.
Une conscience à réveiller
Le mal camerounais n’est pas seulement économique. Il est aussi moral. Les viols, les violences faites aux femmes, et l’extension incontrôlée de la pornographie forment un cocktail toxique. Les jeunes, noyés dans les réseaux sociaux, y perdent leur boussole intérieure. Dans ce désert spirituel, l’Église agit comme une oasis, même si certains voudraient la réduire au silence. « Si tu parles encore, on va t’écraser comme on écrase le piment dans le Moulinex », ironise l’évêque, dénonçant les intimidations contre ceux qui osent encore se lever. Mais que l’on se rassure : le courage est aussi contagieux que la peur. Et lorsque les bergers montrent la voie, les brebis suivent, non pas dans la soumission, mais dans une foi active, éclairée, responsable.
Le message de Mgr Paul Lontsié-Keuné rappelle que le Cameroun n’est pas condamné à la misère. Que les solutions existent. Mais qu’il faut de la volonté, de la justice, et de la conscience. À la veille d’un scrutin crucial, il n’est plus temps de dormir. Il est temps de se réveiller pour écrire l’histoire. Avec un bulletin, une prière, une voix.
DEJIO M.