Cameroun : La santé en état d'urgence

Cameroun : La santé en état d'urgence

À l’heure où le monde célébre la Journée Mondiale de la Santé le 7 avril 2025, le Cameroun, lui, étouffe sous le poids d’un système sanitaire défaillant. Classé parmi les moins performants au monde, le pays peine à offrir à ses citoyens le droit fondamental à la santé. Entre pénurie de médecins, espérance de vie en berne et infrastructures délabrées, le constat est amer. Comment en est-on arrivé là ? Et surtout, qui doit prendre ses responsabilités ?  

Les chiffres sont sans appel. Selon le Legatum Institute 2023, le Cameroun occupe le 152e rang sur 167 pays en matière de performance des systèmes de santé. Pire, il se classe parmi les 15 derniers au monde, derrière des pays comme le Togo (142e), le Burkina Faso (132e), ou encore le Sénégal (117e). Même le Niger (143e), pourtant confronté à d’immenses défis sécuritaires, fait mieux que le Cameroun.  

L’espérance de vie, elle, n’est guère plus reluisante : 62 ans en 2023, plaçant le pays au 40e rang africain. Loin derrière le Cap-Vert classé 6e, Maurice (7e) ou le Sénégal (13e) , qui brillent par des systèmes plus performants.  

Un système asphyxié

Le Cameroun souffre d’une pénurie criarde de personnel médical. L’OMS recommande 4,45 professionnels de santé pour 1 000 habitants, mais le pays en compte à peine 1 pour 1 000. Comment, dans ces conditions, assurer des soins de qualité ? Les hôpitaux publics, souvent sous-équipés, ressemblent à des navires en détresse, où médecins et patients luttent quotidiennement contre la noyade.  

Les maladies infectieuses telles que paludisme, VIH, tuberculose, continuent de faucher des vies, tandis que la mortalité infantile et maternelle reste un drame silencieux. Les zones rurales, elles, sont les grandes oubliées, livrées à elles-mêmes, comme si la santé était un privilège urbain.  

La santé, un droit humain bafoué

La santé n’est pas qu’une question médicale : c’est un droit humain fondamental. Le PIDCP (Pacte international relatif aux droits civils et politiques) rappelle que tout être humain a droit à la vie et à la dignité. Or, sans accès aux soins, ce droit est violé. Quand une mère meurt en couches par manque de médecins, quand un enfant succombe à une maladie évitable, c’est l’État qui a failli. La négligence tue autant que la maladie.

L’État face à ses responsabilités 

Le gouvernement camerounais a une obligation constitutionnelle de garantir la santé à ses citoyens. Pourtant, les budgets alloués au secteur restent insuffisants, les infrastructures délabrées, et la corruption grignote les ressources. Les promesses de réforme se heurtent à une réalité implacable : les hôpitaux manquent de tout. Le personnel soignant, à bout de forces à cause des conditions de travail précaires, menace régulièrement de faire grève. 

Où sont les hôpitaux modernes promis ? Où est la “Couverture santé universelle” longtemps annoncée ? Pourquoi les médicaments essentiels disparaissent-ils des pharmacies d'hôpitaux publics au profit du marché noir ? Autant de questions qui restent sans réponse.   

L'espoir persiste 

La Journée Mondiale de la Santé devrait être une occasion de célébrer les progrès. Mais au Cameroun, c’est plutôt un rappel amer des échecs. Pourtant, l’espoir persiste. Avec une volonté politique ferme, des investissements judicieux et une lutte acharnée contre la corruption, le pays peut renverser la tendance.  

Le Cameroun ne mérite pas d’être le mauvais élève de l’Afrique en matière de santé. Le droit à la santé n’est pas négociable. Le Cameroun doit se réveiller, car un peuple malade est un peuple affaibli. Et un peuple affaibli ne peut pas prospérer. La balle est dans le camp des autorités. Vont-elles enfin agir, ou continuer à regarder le navire sombrer ?

DEJIO M.