Journée des femmes : Le Cameroun entre promesses brisées et violences quotidiennes

Journée des femmes : Le Cameroun entre promesses brisées et violences quotidiennes

Alors que le monde célèbre la Journée internationale des femmes, le Cameroun reste englué dans un marasme de violences et de discriminations à l’encontre des femmes. Malgré les lois et les conventions, les droits des femmes sont piétinés, laissant des plaies béantes dans le tissu social. Des violences domestiques aux mariages précoces, en passant par les discriminations économiques, les femmes camerounaises luttent chaque jour pour leur survie et leur dignité. L’État, garant des droits humains, semble avoir démissionné face à cette crise silencieuse.

 

Le Cameroun, pays d’Afrique centrale souvent qualifié d’Afrique en miniature, cache une réalité sombre : celle des droits des femmes bafoués, jour après jour. Selon une étude récente du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), plus de 50 % des femmes camerounaises ont subi des violences physiques depuis l’âge de 15 ans. Une femme sur trois a été victime d’abus au sein du foyer, un chiffre qui fait froid dans le dos.

En 2021, l’association Elles-Cameroun a recensé 314 cas de violences faites aux femmes, incluant 14 cas d’abus sexuels, 39 cas de maltraitance et 35 cas de coups et blessures. Ces chiffres, aussi glaçants soient-ils, ne représentent que la partie visible de l’iceberg. Dans les zones rurales, où les traditions et les coutumes prévalent souvent sur les lois, les violences restent largement sous-déclarées.

Les féminicides, ces meurtres de femmes en raison de leur genre, sont une autre facette de cette tragédie. Entre 2019 et 2020, le Cameroun a enregistré 130 cas de féminicides. Depuis le 1ᵉʳ janvier 2024, 67 cas supplémentaires ont été signalés, une tendance qui ne semble pas s’infléchir. Ces crimes, souvent perpétrés dans l’indifférence générale, laissent des familles dévastées et des communautés traumatisées.

Les mariages précoces et forcés continuent de voler l’enfance à des milliers de jeunes filles. En 2018, environ 54,54 % des femmes ont été victimes d’abus psychologiques, 50,24 % de violences économiques, et 24 % des adolescentes ont subi le repassage des seins, une pratique barbare visant à retarder la puberté. Dans la région de l’Extrême-Nord, une jeune fille de 14 ans a été mariée de force à un homme de 45 ans en 2019, malgré les efforts des organisations de défense des droits des femmes.

Multiples violations des droits de la femme  

Il y a les Violences basées sur le genre (VBG) : les violences domestiques et sexuelles sont une épine dans le pied de la société camerounaise. En 2020, une femme à Douala a été gravement battue par son mari, nécessitant une hospitalisation. Malgré une plainte déposée, l’affaire a été classée sans suite, illustrant l’impunité qui entoure ces crimes. Dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, en proie à un conflit armé, les viols collectifs sont monnaie courante, perpétrés par des groupes armés qui agissent en toute impunité.

Ensuite, les mariages précoces et forcés, une pratique courante, en particulier dans les zones rurales. En 2019, une jeune fille de 14 ans a été mariée de force dans la région de l’Extrême-Nord. Malgré l’intervention des organisations locales, la famille a refusé d’annuler le mariage, invoquant des traditions culturelles. Ces pratiques volent non seulement l’enfance des jeunes filles, mais aussi leur avenir.

Autre violation grave, la discrimination dans l’accès à l’éducation et à l’emploi. Les filles sont souvent privées d’éducation, surtout dans les zones rurales. En 2022, une enquête a révélé que dans certaines communautés du Nord-Cameroun, les filles étaient retirées de l’école pour aider aux tâches domestiques ou pour être mariées. Sur le marché du travail, les femmes sont discriminées, avec des salaires inférieurs à ceux des hommes pour un travail équivalent. En 2021, une femme employée dans une entreprise de Yaoundé a porté plainte pour discrimination salariale, mais l’affaire a été rejetée par les autorités locales.

Relevons également les violations du droit à la santé reproductive car l’accès aux services de santé reproductive est souvent limité, en particulier dans les zones rurales. En 2020, une femme enceinte est décédée en raison du manque de soins médicaux adéquats dans un village de la région de l’Est. Les infrastructures de santé étaient insuffisantes et le personnel médical mal formé pour gérer les complications liées à la grossesse.

L’État, un garant défaillant

L’État camerounais, en tant que garant des droits humains, a failli à sa mission. Malgré les lois et les conventions internationales, leur application reste lacunaire. Les violences faites aux femmes sont souvent traitées avec laxisme, les auteurs bénéficiant d’une impunité quasi-totale. Les campagnes de sensibilisation, bien que nécessaires, ne suffisent pas à elles seules à changer les mentalités. “Une réforme en profondeur du système judiciaire et une application stricte des lois sont indispensables pour protéger les droits des femmes”, préconise la société civile.

Alors que le Cameroun célèbre la Journée internationale des femmes, il est temps de passer des paroles aux actes. Les femmes camerounaises méritent mieux que des promesses en lambeaux. Elles méritent un avenir où leurs droits seront respectés, où elles pourront vivre sans craindre la violence, où elles auront accès à l’éducation, à l’emploi et à la santé. L’État doit assumer son rôle de garant des droits humains et agir sans délai pour mettre fin à cette crise silencieuse. Le temps des discours est révolu, place à l’action.

DEJIO M.