Meyo-Centre en ébullition : Entre violences communautaires et défaillance de l’État

Meyo-Centre en ébullition : Entre violences communautaires et défaillance de l’État

À Meyo-Centre, dans la Vallée du Ntem, la colère gronde. Deux assassinats à la machette ont plongé ce village paisible dans un chaos sans précédent. Face à l’inaction des autorités, les populations, exaspérées, ont pris les rues, barricadé les routes et vandalisé des commerces. Derrière cette flambée de violence se cachent des droits humains bafoués et un État défaillant.

 

Meyo-Centre, un village carrefour du département de la Vallée du Ntem, dans la région du Sud, est devenu l’épicentre d’une crise qui menace de dégénérer. En l’espace de cinq jours, deux assassinats à la machette ont été enregistrés, plongeant la localité dans une psychose collective. Les victimes, retrouvées dans des circonstances encore floues, ont été froidement abattues, suscitant colère et incompréhension.

Face à ces crimes non élucidés, les populations ont aussitôt pointé du doigt les "allogènes" (curieuse appelation des résidents originaires d'autres régions du Cameroun), devenus leur bouc-émissaire. Pour exprimer leur mécontentement , des  jeunes surexcités natifs de la localité, armés de machettes et de gourdins,  se sont rués sur les “étrangers”.  Ils ont également dressé des barricades sur l’axe Ambam-Ebolowa, multiplié des actes de vandalisme, et saccagé des commerces. Le bilan fait état de deux morts, de nombreux  blessés et des dégâts matériels importants. Les victimes, frustrées par le laxisme des forces de l’ordre, dénoncent un sentiment d’impunité et réclament justice.

Les autorités locales se sont déployées pour calmer les esprits, promettant une enquête approfondie. Cependant, la situation reste explosive.   

Des droits humains violés 

Cette crise a permis des violations flagrantes des droits humains, garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). D’abord le droit à la vie (Article 6 du PIDCP) : les assassinats à Meyo-Centre constituent une atteinte grave au droit à la vie. L’État, en tant que garant de ce droit, a failli à son devoir de protéger ses citoyens. Ensuite, le droit à la sécurité (Article 9) puisque les populations de Meyo-Centre vivent dans la peur, sans protection adéquate. L’absence de mesures préventives et de réponses rapides aux crimes commis expose les habitants à des risques permanents.

Ensuite, le droit à un recours effectif (Article 2) a été foulé au pied puisque  les familles des victimes réclament justice, et que  l’enquête traîne en longueur. Ce retard viole leur droit à un recours effectif et à une justice impartiale.

Enfin, les populations non natives de la localité sont victimes de la violation de leur droit à la non-discrimination (Article 26). Les accusations communautaires et les tensions identitaires qui ont émergé risquent d’exacerber les divisions. Pourtant l’État a l’obligation de prévenir toute forme de discrimination et de protéger toute la population sans exclusive. 

 Une défaillance systémique de l’État

La crise de Meyo-Centre n’est malheureusement pas un cas isolé. Elle s’inscrit dans un contexte national marqué par des failles récurrentes dans la protection des droits humains.Les crimes restent souvent impunis, faute d’enquêtes efficaces. Cette impunité nourrit un sentiment d’abandon chez les populations et encourage les auteurs à agir en toute impunité. En outre, les autorités locales et nationales n’ont pas su anticiper les tensions, malgré les signes avant-coureurs (premier assassinat non élucidé) . Une meilleure coordination entre forces de sécurité et communautés aurait pu éviter cette escalade. Le plus grave, c’est l’instrumentalisation politique : à l’approche de l’élection présidentielle d’octobre 2025, certains acteurs politiques pourraient exploiter ces tensions à des fins électoralistes, comme l’a souligné Me Christian Ntimbane Bomo, candidat déclaré.

Meyo-Centre,  une plaie ouverte

La situation à Meyo-Centre est le reflet d’un malaise plus profond. Elle révèle les failles d’un système qui peine à protéger ses citoyens et à garantir leurs droits fondamentaux. Pour éviter que d’autres localités ne sombrent dans le chaos, l’État doit agir rapidement : renforcer la sécurité, accélérer les enquêtes, et engager un dialogue sincère avec les populations. En attendant, Meyo-Centre reste une plaie ouverte, un symbole des promesses non tenues et des droits bafoués. Comme l’a si bien dit Christian Ntimbane Bomo, « le criminel n’a pas de tribu, d’ethnie, de communauté. Il n’a pas de visage. Il est partout. » Et c’est à l’État de le traquer, partout où il se cache.

 Etienne TASSE