Corruption au Cameroun : Un cancer qui ronge les droits humains

Corruption au Cameroun : Un cancer qui ronge les droits humains

Alors que le Cameroun recule dans le classement mondial de l’Indice de Perception de la Corruption (IPC) 2024, avec un score de 26/100, les violations des droits humains et l’impunité généralisée révèlent une crise de gouvernance. Entre détournements massifs, conflits armés et institutions gangrenées, le pays peine à endiguer ce fléau qui hypothèque son avenir.

Le 11 février 2025, Transparency International a publié son rapport annuel sur la corruption dans le monde. Le Cameroun, classé 140e sur 180 pays, affiche un score de 26/100, perdant un point par rapport à 2023. Cette régression confirme l’enracinement profond de la corruption dans les mœurs et les institutions. Selon la Commission Nationale Anti-Corruption (CONAC), le pays a perdu plus de 114 milliards de FCFA en 2023 à cause de ce fléau, une hémorragie financière qui asphyxie le développement national.

Des droits humains bafoués
La corruption n’est pas qu’une question de chiffres. Elle est un poison qui infecte tous les secteurs de la vie publique, violant les droits fondamentaux des citoyens. « Dans le domaine de la santé, des patients meurent faute de soins appropriés, victimes de la négligence et de l’incompétence. L’éducation, autrefois considérée comme le fer de lance de la nation, est devenue un champ de débauche et de médiocrité, où la jeunesse sombre dans l’alcoolisme et la drogue. Les marchés publics, quant à eux, sont un théâtre de favoritisme et de pots-de-vin, privant les populations de services de qualité», dénonce Prince Njoh Manga Bell Henri, président de Transparency International-Cameroun (TI-C).

Malgré les discours officiels, les actions concrètes manquent. Le Président Paul Biya, dans son allocution du 31 décembre 2024, a réitéré son engagement à lutter contre la corruption. Pourtant, les sanctions exemplaires se font rares, et les institutions chargées de la lutte manquent de moyens et de volonté politique. La suspension du Cameroun de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) pour la deuxième fois en trois ans en est une illustration criante. Cette suspension, qui court jusqu’en 2027, reflète l’opacité dans la gestion des ressources naturelles et le peu de considération accordée à la société civile.

Conflits armés et insécurité : Un terreau fertile pour la corruption
Les régions du Nord-Ouest, du Sud-Ouest et de l’Extrême-Nord restent en proie à des conflits armés qui exacerbent la corruption. Des budgets colossaux sont alloués à la sécurité, mais leur gestion échappe à tout contrôle, alimentant un climat de méfiance envers les autorités. L’insécurité grandissante à l’Est du pays aggrave la précarité des populations, déjà confrontées à une hausse des prix des denrées alimentaires et du carburant. D’après TI-C, avec un SMIG fixé à 41 875 FCFA, la majorité des Camerounais vit dans une pauvreté extrême, creusant le fossé entre riches et pauvres.

Face à cette situation, la société civile, à l’instar des organisations comme TI-C, joue un rôle crucial. TI-C mène des campagnes de sensibilisation, organise des cliniques juridiques et renforce les capacités des acteurs locaux. Cependant, ces efforts se heurtent à des intimidations et des menaces, décourageant ceux qui osent dénoncer les abus. L’affaire Glencore, ce scandale de corruption impliquant des fonctionnaires camerounais, illustre cette impunité. Malgré l’ouverture d’un procès à Londres en septembre 2024, l’identité des responsables camerounais reste mystérieuse, laissant un goût amer d’injustice.

Un appel à l’action
Pour inverser la tendance, la société civile estime qu’il est urgent de renforcer les mécanismes de lutte contre la corruption. La CONAC doit bénéficier de plus de pouvoirs et de ressources pour mener des investigations indépendantes. L’adoption d’une loi protégeant les lanceurs d’alerte et les militants anticorruption est une nécessité absolue. En parallèle, la coopération internationale doit être intensifiée pour partager les bonnes pratiques et renforcer la transparence.

Un avenir en suspens
La corruption au Cameroun est un cancer qui ronge les fondements de la société. Elle viole les droits humains, sape la confiance des citoyens et entrave le développement. Si les avancées technologiques et la mobilisation citoyenne offrent un espoir, seule une volonté politique ferme et des actions concrètes pourront inverser la tendance. Le Cameroun a besoin d’une gouvernance transparente et redevable pour construire un avenir durable et inclusif. Le temps presse, car chaque jour perdu est une victoire de plus pour ce fléau qui menace l’âme même de la nation.

Etienne TASSE