Une fillette de 6 ans et demi, élève au Cours préparatoire a été abusée par un homme âgé d’une trentaine d’années au quartier Birpondo, le 08 Aout 2023. Mais la justice a plutôt retenu contre le bourreau l'infraction d'« atteinte à la pudeur » alors que l’enfant a perdu sa virginité et qu'une malformation a été constatée sur le sexe de la petite EM.
En fait l’aspirant Pasteur, dans l’église située à quelques mètres du domicile de la victime, a réussi à séparer la fillette de ses amis avec qui elle jouait dans la cour. Il a prétendu que l'enfant s’était volontairement rendue dans sa chambre et il ne sait pas comment la porte s'est étrangement refermée, toute seule, derrière elle. Dans la chambre, le nommé IG a profité de l'instant pour introduire ses doigts dans le sexe de l'enfant.
Sauf qu'une jeune fille d'une quinzaine d’années (ER), élève et désormais témoin au Tribunal, a remarqué l'absence de la fillette et a commencé à l'appeler. C'est alors que l'enfant est sortie de la chambre de IG. La jeune ER a immédiatement constaté des marques de sang sur le slip de la petite EM. Elle a alerté la famille de l'enfant qui s'en est violemment pris au garçon. Le chef de quartier est intervenu. La fillette a été emmenée à l’hôpital. Un carnet médical, qui a effectivement rendu compte du viol, a été produit par les médecins de l’hôpital régional de la Bertoua, chef-lieu de la région de l’Est. Le Dr Gynécologue-Obstetricienne Yolande Evoung a conclu qu'il s'agit « d'une perforation hymènèrale »
La famille du bourreau a d’abord nié et rejeté la responsabilité de IG qui, selon des témoignages, en est à sa quatrième victime. Toujours dans le même périmètre. Mais le carnet médical l'a clouée. Elle s'est ravisée et a ouvert des tentatives de conciliation. Avec le concours du chef du quartier Birpondo, les deux familles ont eu des échanges par rapport au suivi médical et spirituel de EM (on ne savait pas si c'est de la sorcellerie ou pas). Seulement, la famille de IG n'a donné aucune assurance : elle ne s'est engagée ni pour un accompagnement médical de l’enfant, ni pour son suivi spirituel ou psychologique.
Au contraire, des indiscrétions parvenues aux oreilles des membres de la famille de EM faisaient déjà état de ce que, pendant deux jours d’échanges entre les deux familles, celle de IG entendait mettre tout en œuvre pour non seulement l’extirper des mains de la justice mais aussi de faire tout pour que le verdict tourne en leur faveur. A défaut, que la peine soit la moins lourde possible. Et que, s'il advenait que IG soit condamné, sa famille allait demander son transfert vers une autre prison. Dans celle-là, il aurait quelqu’un qui pourrait l'exfiltrer pour qu'il purge sa peine libre et au village.
Vers le procès…
Face à tout ceci, la famille de la fillette a donc décidé de laisser cours à l’affaire qui avait déjà été portée auprès des services de la gendarmerie de la ville. IG a finalement été déféré à la prison centrale de Bertoua le 11 Août 2023. Une plainte avait été déposée.
Les deux parties sont passées pour la première fois devant le juge d’instruction au Tribunal de grande instance (TGI) de Bertoua le 29 Août 2023. Il y a eu d’autres confrontations devant le juge d’instruction avant que l’affaire ne soit enrôlée.
Au tribunal
A la surprise générale, selon le rôle des audience et à la lecture de l’ordonnance de renvoi devant le juge du Siège lors de la première audience, IG est poursuivi pour « atteinte à la pudeur sur une mineure de 16 ans », pas de 6 ans, et pour « défaut de carte nationale d’identité ». Le viol a été mis de côté bien que le carnet médical montre que l’enfant n'est plus vierge. Pis encore, une boule s'est formée à l'entrée du sexe de l’enfant. Or le certificat médical dressé par la Gynécologue-Obstetricienne, Dr Yolande Evoung, parle bien de « Perforation hyménérale ».
La famille de la fillette, surprise, a décidé de « laisser » le Tribunal rendre « sa » justice. Elle comptait cependant à nouveau présenter l’enfant devant le juge pour que l'on constate la différence d'âge. Ce qui a été fait à l'audience du 26 décembre 2023 consacrée à la suite des débats. L'affaire a été reportée au 28 janvier 2024 pour absence de la témoin des plaignants (ER).
Jointe au téléphone au terme de celle-ci, la maman de la fillette affirme que, lors de leur passage devant le juge du Siège, le président du Tribunal ayant vu l'enfant a été emmené à demander au greffe de corriger ce qu'il a appelé "une erreur de frappe". Ce qui, selon la maman, a été fait.
Pour le juriste Stephane Edzigui, cette correction suscite d'autres interrogations qui, malheureusement, n'ont pas de réponse expresse dans les différents Codes qui encadrent la rectification d'une erreur dans une affaire. « Autrement dit, pourrait-on simplement se contenter de la rectification matérielle du greffier sur le DAA (dossier administratif d'audience) pour poursuivre le jugement ou il faudrait préalablement un ADD du tribunal pour constater l'erreur et la rectifier ? […] Le Code de procédure n’a pas prévu de réponse expresse à cette question. Il faudrait donc peut être recourir à la théorie du droit ou à l'interprétation globale du droit camerounais) », souligne l'expert.
Qu’à cela ne tienne, l’âge a été corrigé et ramené à 6 ans.
Il faut préciser ici qu'en cas de manipulation frauduleuse, la sanction du personnel du greffe aurait été soumise aux dispositions de l'article 205(1) du Code pénal qui dit qu’ « Est puni d'un emprisonnement de dix à vingt ans celui qui contrefait ou altère soit dans sa substance, soit dans les signatures, dates et attestations un acte émanant (…) soit du pouvoir judiciaire, ou un acte dressé par une personne seule habilitée à le faire » et «Est puni d'un emprisonnement de cinq à dix ans et d'une amende de 40.000 à 2 millions de francs celui qui fait usage d'un des actes susvisés ainsi contrefait ou altéré » (Al.2).
En décembre 2023, la fillette a célébré ses sept ans.
La famille de la fillette réclame justice
Pour la famille de EM, surtout pour le grand-père qui prend soin de l’enfant depuis son plus jeune âge, cette affaire ne peut pas passer ainsi d’autant plus qu’il y va de l’équilibre de sa famille.
A cet effet, la Constitution du Cameroun affirme dans son préambule que « La nation protège et encourage la famille, base naturelle de la société humaine. Elle protège la femme, les jeunes,… ». Pour la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE), «la famille, [est l'] unité fondamentale de la société et milieu naturel pour la croissance et le bien-être de tous ses membres, et en particulier des enfants, doit recevoir la protection et l’assistance dont elle a besoin pour pouvoir jouer pleinement son rôle dans la communauté ». Le texte reconnaît également que « l’enfant, pour l’épanouissement harmonieux de sa personnalité, doit grandir dans le milieu familial, dans un climat de bonheur, d’amour… ».
L’enfant a été traumatisée tout comme les siens. « Mais on s'en remet au Tribunal ; il dira et on fera ce qui sera décidé ; Dieu est là », font savoir les membres de la famille de la fillette, courroucés de savoir que le viol n'est pas l’infraction déterminée par le tribunal. La famille reste toutefois mobilisée derrière la mère de l'enfant abusée, elle qui espère que sa petite EM n'aura pas de problème dans l’avenir.
Entre découragement et sanctions
La famille de la jeune EM a songé à un moment donné à revenir sur sa décision de porter plainte contre IG au regard de la pression de l'entourage, vue que la piste du viol a été écartée et compte tenu du handicap moteur dont souffre le bourreau : il a un pied déformé. Certains habitants du quartier avaient un regard de pitié.
Cet avis de la famille non mis en exécution a aussitôt engendré le mécontentement de ceux qui estiment dans la grande famille et dans le quartier que le « soupçonné violeur » doit payer le prix de son acte ; une récidive en plus, ont mentionné les proches des premières victimes.
Consulté sur la question des effets du désistement, Me Nkamden Valery, huissier de justice indique que, même si la famille de EM se rétractait, «le désistement de la victime n'éteint pas l'action publique ; le prévenu reste tenu dans les liens de l'accusation sauf qu'au moment de rendre la décision, le juge ne tiendra pas compte des intérêts civils de la victime ». Ici, c'est l'article 70 du Code de procédure pénale camerounais qu’il a invoqué : « Le désistement de l'action civile ne peut suspendre l'exercice de l'action publique, sauf dispositions contraires de la loi ». La loi réserve cette prérogative au Ministère public car selon l’article 69 (1) du même Code, « La prescription de l'action publique est d'ordre public », est-il dit.
Cette position de Me. Nkamdem Valery est soutenue par le juriste-publiciste Stéphane Edzigui qui déclare que « Le ministère public peut et doit continuer les poursuites contre ce présumé violeur si les faits s'avèrent établis ».
Dr Etienne NEBOT a quant à lui insisté sur le fait que « le viol est un crime grave et réprimé par la loi au Cameroun, et que le ministère public peut poursuivre l'accusé même sans le soutien de la victime ou de sa famille ».
Concernant la sanction susceptible d’être infligée à l'auteur de « l'atteinte à la pudeur », l’huissier de justice précise que « les peines diffèrent selon l'âge de la victime. Si la victime a moins de 16 ans, le crime est plus grave et la peine est plus lourde encore ». L'article 295(1) du Code pénal « indique qu’ «Est puni d'un emprisonnement de quinze jours à deux ans et d'une amende de 10.000 à 100.000 francs ou de l'une de ces deux peines seulement celui qui, même dans un lieu privé, commet un outrage à la pudeur en présence d'une personne de l'un ou l'autre sexe non consentante ». L’alinéa (2) rappelle que « Les peines sont doublées si l'outrage est accompagné de violences ». Quant à l'article 296 sur le viol (écarté), il est dit qu’ « Est puni d'un emprisonnement de cinq à dix ans celui qui à l'aide de violences physiques ou morales contraint une femme, même pubère, à avoir avec lui des relations sexuelles ».
L’article 346 du précédent Code relatif à l'outrage à la pudeur d'une personne mineure de seize ans est plus répressif en ceci qu’« Est puni d'un emprisonnement de deux à cinq ans et d'une amende de 20.000 à 200.000 francs celui qui commet un outrage à la pudeur en la présence d'une personne mineure de seize ans (al. 1)» et qu'« En cas de viol, l'emprisonnement est de quinze à vingt-cinq ans. (…) (Al. 4)».
Urgence de protéger la jeune fille
La société civile est en colère devant cette situation qui rallonge la liste des victimes. Les acteurs qui ont été contactés dénoncent avec véhémence cette situation qui est une grave violation des droits de l’homme, en particulier ceux de la femme et de la jeune fille.
Cyrille Rolande Bechon, Directrice Executive de l’organisation non gouvernementale Nouveaux Droits de l’Homme (NDH) met en cause la loi qui est limitée en la matière. Elle appelle dès lors à une « réforme » du cadre légal de protection de la femme et de la jeune fille au regard des faits évoqués. La loi en l’état actuelle « ne protège pas les femmes et les enfants contre les violences sexuelles», explique la DE de NDH. Un combat que l'organisation mène depuis deux ans, soutient celle-ci.
Mme Bechon ouvre en outre un pan de la réflexion lorsqu'elle indique que ce sont les mineurs de 16 ans à 21 ans qui sont explicitement cités par la loi. Or, un mineur reste un mineur martèle la défenseure des droits de l’homme. Elle revient également sur la notion de « pénétration » qui couvre une large gamme de possibilités au-delà de l'acte sexuel forcé : ce qui est justement le cas pour la petite EM qui l'a été par un doigt. Par conséquent, s'appuyant sur ce qui se fait ailleurs, C.R. Bechon insiste pour qu'on précise tous les aspects de la notion de « pénétration ».
En second lieu, « l'atteinte à la pudeur » ayant été retenue et non le viol, elle constate avec effroi qu'il s'agit d’un viol, le carnet médical à l'appui et continue d'incriminer les dispositions légales en matière de protection de la femme et de la fille.
Hervé Ndombong
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ENCADRE 1 : ECLAIRAGE JURIDIQUE RELATIF AU VIOL REQUALIFIE DE LA PETITE PAR Dr ETIENNE NEBOT
Analyse juridique d'un viol sur une fillette au Cameroun
Les dispositions légales et les conséquences en cas de maintien ou de désistement de la famille de la victime
Introduction
L'affaire présentée concerne le viol d'une fillette de 6 ans et demi par un individu âgé d'une trentaine d'années au Cameroun. Les faits ont été rapportés et une procédure judiciaire est en cours. Dans cette dissertation juridique, nous analyserons les dispositions légales applicables au Cameroun pour réprimer de tels actes, ainsi que les conséquences juridiques en cas de maintien ou de désistement de la famille de la victime.
Développement
1. Les faits et les qualifications juridiques :
Le viol d'une mineure de moins de 16 ans est un crime sanctionné par le Code pénal camerounais. Selon les informations présentées, l'accusé a introduit ses doigts dans le sexe de la fillette, ce qui constitue une atteinte sexuelle. La qualification juridique retenue par le juge d'instruction lors de la première audience est celle d'"atteinte à la pudeur sur une mineure de 16 ans". Cette qualification peut sembler inadéquate étant donné l'âge réel de la victime (6 ans et demi). Toutefois, selon les déclarations de la mère de la fillette, le président du tribunal a demandé une correction de cette erreur de frappe. Si cette correction n'avait pas été effectuée, l'accusé aurait été poursuivi pour "atteinte à la pudeur sur une mineure de 16 ans", ce qui aurait pu entraîner des conséquences juridiques différentes.
2. Maintien de l'accusation par la famille de la victime :
Si la famille de la victime avait décidé de maintenir l'accusation de "atteinte à la pudeur sur une mineure de 16 ans" sans demander de correction de l'erreur de frappe, l'accusé aurait été jugé en fonction de cette qualification juridique. Les peines prévues pour ce crime au Cameroun varient en fonction de la gravité de l'acte et peuvent aller jusqu'à des années d'emprisonnement, voire la réclusion criminelle à perpétuité dans certains cas. L'accusé aurait donc pu être condamné à une peine plus sévère s'il avait été reconnu coupable.
3. Désistement de la famille de la victime :
Si la famille de la victime décidait de se désister de la procédure en cours, cela signifierait qu'elle renonce à poursuivre l'accusé. Dans ce cas, l'accusé pourrait être libéré en raison du désistement de la partie civile. Cependant, il est important de noter que l'action publique n'est pas liée à la volonté de la victime ou de sa famille dans les affaires de viol au Cameroun. Le ministère public peut poursuivre l'accusé même en l'absence de constitution de partie civile. Par conséquent, même si la famille se désistait, le procureur pourrait décider de maintenir les poursuites et de conduire l'affaire jusqu'à son terme.
Conclusion :
Dans le cas présent, si la famille de la victime avait maintenu l'accusation de "atteinte à la pudeur sur une mineure de 16 ans" sans demander de correction de l'erreur de frappe, l'accusé aurait été jugé en fonction de cette qualification juridique. En cas de désistement de la famille, l'accusé pourrait être libéré si le procureur décidait de ne pas maintenir les poursuites. Toutefois, il est important de souligner que le viol est un crime grave et réprimé par la loi au Cameroun, et que le ministère public peut poursuivre l'accusé même sans le soutien de la victime ou de sa famille.
Lorsqu'une partie civile se désiste dans une affaire de viol au Cameroun, le ministère public conserve la possibilité de poursuivre l'accusé et de mener l'affaire jusqu'à son terme. En effet, dans les affaires de viol, l'action publique est exercée d'office par le ministère public, et elle n'est pas subordonnée à la volonté de la victime ou de sa famille.
Voici les actions possibles du ministère public en cas de désistement de la partie civile dans une affaire de viol au Cameroun :
1. Maintien des poursuites : Le ministère public peut décider de poursuivre l'accusé même en l'absence de la partie civile. Il peut considérer que l'intérêt public et la nécessité de réprimer les infractions sexuelles justifient la poursuite de l'affaire.
2. Obtention de preuves supplémentaires : Le ministère public peut entreprendre des investigations supplémentaires pour rassembler des preuves indépendantes de la culpabilité de l'accusé. Cela peut inclure des expertises médicales, des témoignages de tiers, des expertises scientifiques, etc.
3. Audition des témoins : Le ministère public peut convoquer et interroger les témoins de l'infraction, y compris la victime, malgré le désistement de la partie civile. Les témoignages peuvent être utilisés pour étayer l'accusation et prouver la culpabilité de l'accusé.
4. Requalification des faits : Le ministère public peut requalifier les faits en fonction des éléments de preuve disponibles, même en cas de désistement de la partie civile. Par exemple, si les preuves récoltées permettent d'établir qu'il s'agit d'un viol et non d'une atteinte à la pudeur, l'accusation peut être modifiée en conséquence.
5. Requête pour un suivi médical et psychologique de la victime : Même en l'absence de la partie civile, le ministère public peut demander au tribunal d'ordonner un suivi médical et psychologique de la victime afin de garantir son bien-être et de faciliter sa réhabilitation.
Il est important de souligner que les actions du ministère public peuvent varier en fonction des circonstances spécifiques de chaque affaire. L'appréciation du ministère public dépendra des éléments de preuve disponibles, de l'intérêt public et de la politique pénale en vigueur.
Dr Etienne NEBOT, Expert International Pluridisciplinaire.