Liberté de la presse. Les députés européens tentent de protéger la liberté des médias

Liberté de la presse. Les députés européens tentent de protéger la liberté des médias

La loi européenne sur la liberté de la presse préparée par la Commission, a été adoptée, le 3 octobre, par les députés européens (448 voix pour, 102 contre et 72 abstentions). Elle vise à renforcer la transparence et l’indépendance des médias, mises à mal par certains États membres.

Les déclarations et les textes sur la liberté de la presse ne manquent pas dans la littérature réglementaire des nations et des organisations internationales. En voici une de plus venue de la vieille Europe, considérée pourtant comme un espace de liberté, avec de nombreux textes réaffirmant l’indépendance des journalistes et des organes de presse. Alors pourquoi ce texte de plus ? Tout simplement parce que les observateurs attentifs de l’information se rendent compte tout d’abord que de nombreuses lois ne sont pas réellement appliquées ou alors détournées par des artifices plus ou moins légaux. Un seul exemple : en France la loi Hersant du 23 octobre 1984 visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse n’a pas empêché le regroupement de nombreux journaux sous différentes formes d’associations ou d’unions. Ce qui entache grandement le pluralisme de l’information.

Autre réalité qui saute aux yeux : les changements énormes dans la fabrication des nouvelles avec les nombreuses plateformes qui occupent le Net. Le texte européen est donc le bienvenu pour tenter – une nouvelle fois – de garantir cette liberté de la presse indissociable de la démocratie. Que dit cette loi ?

- Elle oblige les Etats membres « à garantir le pluralisme des médias et à les protéger contre les ingérences gouvernementales, politiques, économiques ou privées. » 

- Les députés souhaitent « interdire toutes formes d’ingérences dans les décisions éditoriales des organes de presse et éviter que des pressions soient exercées sur des journalistes comme, par exemple, pour les obliger à révéler leurs sources, accéder à  des contenus cryptés sur leurs appareils ou les cibler avec des logiciels espions.»  

- L’utilisation de logiciels espions ne peut être pratiquée qu’en dernier recours, au cas par cas, et si cette mesure est ordonnée par une instance judiciaire indépendante pour enquêter sur des faits graves tels que le terrorisme ou le trafic d’êtres humains. »

- Les Etats membres doivent veiller à  ce que les médias publics disposent de financements suffisants, durables et prévisibles grâce à des budgets prévisionnels. Pour s’assurer que les organes de presse ne dépendent pas de la publicité d’État les députés recommandent de limiter cette publicité à 15 % du budget alloué. 

- Les médias, y compris les plateformes logistiques et les moteurs de recherche, déclarent les financements qu’ils reçoivent de la publicité publique et des aides de l’État, et les financements provenant de pays tiers.

- Un nouvel organisme est créé, le Comité Européen pour les services des médias. Il est indépendant de la Commission Européenne. Un groupe d’experts, représentants le secteur des médias et la société civile, conseillera ce nouveau Comité.

Les dérives autoritaires des Etats

Ce texte de loi a tout pour plaire tout d’abord parce qu’il protège – ou au moins il tente de protéger - les journalistes contre les tentations autoritaires  de certains Etats membres. « L’illibéralisme », cette tendance des gouvernements à mettre au pas la justice et la presse, à ne pas assurer de protections suffisantes aux simples citoyens, gagne du terrain. La Hongrie, la Pologne, et plus récemment la Roumanie et la Slovaquie glissent sur cette pente fatale pour la démocratie. Et même chez les piliers de l’Europe comme l’Italie, la France, l’Espagne, des dirigeants ont des envies de s’affranchir des règles du vivre ensemble en toute liberté, égalité et fraternité. Les gardes à vue de militants ou de journalistes sont de plus en plus fréquentes. 

Pour ne citer qu’un cas récent, la garde à vue, les 19 et 20 septembre, d’Ariane Lavrilleux de la plateforme Disclose, en France, témoigne de cette dérive autoritaire des Etats. La journaliste de cette association à but non lucratif de journalistes indépendants et financée par des dons de lecteurs et d’organisations philanthropiques  est accusée d’avoir révélé des informations « secret défense ». Elle a fait plusieurs articles sur les dérives de la coopération militaire entre la France et l’Egypte. Cette dernière ayant employé notamment des armes de guerre livrées par la France pour éliminer des contrebandiers. La garde à vue d’Ariane Lavrilleux avait pour but de l’obliger à révéler ses sources. Ce qu’elle a refusé, soutenue par les syndicats et associations de journalistes. La loi européenne condamne bien ce genre d’ingérences. De même qu’elle rejette les logiciels espions. Mais quels seront les moyens mis en œuvre pour lutter contre les tentations étatiques de tout contrôler ? Le Comité européen pour les services des médias sera-t-il suffisamment doté d’argent et de pouvoirs pour accomplir sa mission de protection des médias et des journalistes ?

Un autre point important de la loi est la transparence des financements. Il faut espérer que les mesures prises pour assurer une telle mesure seront plus efficaces que celles des années 80 (lire plus haut) qui devaient éviter la concentration des organes de presse entre les mains de quelques grands groupes, qui parfois, sous couvert de la défense de grands principes, n’en mènent pas moins une politique purement capitaliste.

Louis Le Méter.