Atteinte la liberté de la presse. Les gouverneurs s’acharnent sur les journalistes et médias

Atteinte la liberté de la presse. Les gouverneurs s’acharnent sur les journalistes et médias

Un journaliste est gardé  à vue  suite aux instructions données par le gouverneur de l’Adamaoua. Dans la région du Sud-Ouest, le journal anglophone The Post est interdit pendant un mois par le gouverneur. Ces deux exemples démontrent à nouveau le flou qui perdure sur la régulation des médias au Cameroun.

La dernière actualité au Cameroun sur la liberté de la presse est marquée par les actes posés cette semaine par deux gouverneurs à l’encontre de la presse privée exerçant au Cameroun. Le journal d’expression anglaise The Post est interdit dans la région du Sud-Ouest où est basé son siège national. La décision a été prise par le gouverneur Bernard Okalia Bilai qui reproche au journal d’avoir publié les résultats d’un sondage qui montrait que la majorité des Camerounais sont en faveur d’un coup d’Etat après les évènements enregistrés au Gabon. Le journal s’est basé sur un sondage de l’organisme Baromètre connu en Afrique.  Christian Ngah, le président de la Cameroon english newspaper Publisher (Cenpa), condamne cet acte du gouverneur qui vise à intimider les journalistes.

Le 12 septembre dernier, le gouverneur de l’Adamaoua a personnellement convoqué dans ses services le coordonnateur du journal L’œil du Sahel dans cette région.  Après une audition sur fond de menaces,  intimidations  et torture psychologique, le journaliste a été placé en garde à vue  à la compagnie de gendarmerie. On lui reproche de « propagation de fausse nouvelle ». Le journaliste a été libéré quelques heures après. Ces menaces interviennent à la suite d’une enquête publiée par le journal  sur le trafic d’organes humains dans la région. Le Réseau des défenseurs des droits humains  en Afrique centrale dénonce ces restrictions de l’espace civique mettant en cause par voie de conséquence la liberté d’expression, le travail des journalistes. Le syndicat des journalistes du Cameroun (Snjc) a dénoncé ces actes de « provocation » qui portent atteinte à la liberté de la presse. Le gouverneur de l’Adamaoua affirme à nos confrères de L’oeil du Sahel : « Ce que votre journaliste  a publié sont des faits très graves. Si je l’ai convoqué c’est parce que j’estime qu’il a des statistiques avec lui sur les périodes des arrestations sur les trafics d’ossements humains, et, qu’il partage ses chiffres avec nous ».

Oui à l’autorégulation

Les actes des deux gouverneurs enregistrés ces derniers jours violent les dispositions de l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politique qui dispose : « 1. Nul ne peut être inquiété pour ses opinions.2. Toute personne a droit à la liberté d'expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix.

En réalité, les actes des deux gouverneurs témoignent de l’épée de Damoclès qui continue de planer sur les médias et les journalistes. Le Conseil national de la Communication (Cnc) qui est l’organe étatique en charge de la régulation des médias et le ministère de la Communication sont restés silencieux sur ces actes contraires à la liberté de presse. Au Cameroun, les journalistes sont régulièrement entendus devant les juridictions, emprisonnés dans le cadre de leur activité et certains organes de presse parfois suspendus. Tantôt c’est le Conseil national de la Communication, l’organe régulateur, qui suspend les médias comme c’était le cas l’année dernière avec la suspension des responsables de la télévision Equinoxes. Tantôt ce sont des autorités administratives qui sont à la manœuvre. Ce flou sur la régulation des médias au Cameroun s’explique par l’absence d’un organe indépendant chargé d’une autorégulation. Les efforts de la société civile et des associations de journalistes appelant à la création d’un organe indépendant constitués d’un tribunal des pairs pour organiser une autorégulation demeurent au point mort. La presse camerounaise déjà économiquement affaiblie reste à la merci des autorités gouvernementales. Les conséquences sont visibles : chaque année le Cameroun recule au classement de l’Ong Reporters sans frontières.

Prince Nguimbous (Jade)