Ngarbuh. Les  victimes du massacre  oubliées

Ngarbuh. Les victimes du massacre oubliées

Ngarbuh. Trois ans après le massacre de 22 personnes perpétré par les forces de défense et de sécurité dans cette ville, les promesses faites par la présidence de la République visant à rendre hommage aux victimes ne sont toujours pas tenues.

 Dans le cadre de la commémoration du 3ème anniversaire du massacre de Ngarbuh le 14 février 2023, Agbor Balla, avocat au barreau du Cameroun et fervent défenseur des droits de l’homme,  a interpellé le président de la République à veiller au respect des mesures prises en avril 2020 dans le cadre de la Commission d’enquête ad hoc. « Les victimes de Ngarbuh ainsi que leurs familles ont été complètement oubliées par L’Etat. Les mesures prescrites  par le président de la République en faveur des 22 victimes n’ont jamais été effectives. L’on se rappelle qu’à la suite d’un communiqué du secrétaire général de la présidence de la République, publié en avril 2020, il avait été décidé que les corps inhumés  de manière précipitée au lendemain du massacre seraient exhumés. Le communiqué annonçait que l’Etat allait organiser des obsèques dignes en mémoire des victimes», affirme le défenseur des droits de l’homme. 

Le communiqué de la présidence de la République indiquait aussi qu’une sépulture digne en mémoire des victimes devrait être construite. Par la suite, un projet de recensement des ayants droits des victimes  devait être réalisé par l’autorité administrative  ainsi que le versement par l’Etat des indemnisations et compensations appropriées.  Felix Agbor Balla  se dit très déçu de constater que trois ans après ce drame, l’Etat n’a jamais organisé une cérémonie officielle pour commémorer les victimes de Ngarbuh.

Cyrille Rolande Bechon, directrice exécutive de l’Ong Nouveaux droits de l’homme, estime que les victimes du massacre de Ngarbuh n’ont jamais bénéficié d’une attention particulière des autorités: « Les familles des victimes n’ont pas bénéficié d’un accompagnement psychologique et encore moins d’une assistance judiciaire  de l’Etat. Cela montre que les proches des victimes ont été lésés. Si par exemple vous allez aujourd’hui à Ngarbuh rien ne va vous indiquer qu’il y a eu 22 civils tués le 14 février 2020 dans cette localité ».

On attend l’argent

Au-delà du fait que  les victimes de Ngarbuh n’ont jamais eu droit aux promesses faites par le président de la République, il faut relever que trois ans après ce massacre les familles continuent toujours d’attendre que justice leur soit rendue.  Le procès ouvert depuis trois ans au tribunal militaire n’avance pas. Une situation qui plonge les familles des victimes dans la détresse et ne leur permet pas de surmonter le choc. Selon Cyrille Rolande Bechon, l’attitude de l’Etat vis-à-vis des victimes de Ngarbuh porte atteinte au Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui dispose en son article 22 que : « . La famille est l’élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l’Etat ». Cette activiste des droits de l’homme soutient que les familles des victimes ont droit de bénéficier  d’une assistance de l’Etat.

Me Amungwa Tanyii, avocat de la partie civile, affirme qu’un an après le drame, le gouverneur de la région du Nord-Ouest s’était rendu à Ngarbuh pour distribuer de l’argent à certaines familles des victimes : « Nous n’avons jamais su le montant qui a été distribué et la liste des bénéficiaires de cet argent n’a jamais été remise aux avocats que nous sommes. Plusieurs de nos clients n’ont pas reçu  cet argent. »

Une source contactée dans les services du gouverneur de la région du Nord-Ouest affirme qu’une commission technique avait été mise en place par le gouverneur de la région à la suite des mesures prescrites par la présidence de la République au sujet du massacre de Ngarbuh : « La dite Commission a évalué les besoins pour la faisabilité de tout ce qui avait été prescrit, un budget a été arrêté et envoyé à la présidence pour approbation. Nous continuons d’attendre que les moyens financiers soient mis à notre disposition », précise notre source.

En rappel dans la nuit du 14 au 15 février 2020, les forces de défense et de sécurité, déployés dans le cadre de la lutte contre la crise anglophone ont encerclé un quartier dans le but de neutraliser plusieurs présumés séparatistes. Au cours de cette opération, des maisons occupées par les enfants et les femmes enceintes ont été incendiées. Plusieurs victimes sont mortes calcinées. Une enquête prescrite par le président de la République avait établi la responsabilité des forces de défense et de sécurité sur ce drame. Dans un premier temps, le ministère de la Défense avait nié l’implication de ces soldats dans ce massacre qui avait suscité l’indignation de la communauté nationale et internationale.

Prince Nguimbous (Jade)