Torturé en garde à vue à Bafoussam, la plainte pour réparation de l’avocat n’avance pas

Torturé en garde à vue à Bafoussam, la plainte pour réparation de l’avocat n’avance pas

Me jean Claude Tella vient de saisir le secrétaire d’Etat à la défense pour solliciter sa « ferme et énergétique intervention », pour faire avancer sa plainte déposée depuis le premier Juin au tribunal militaire de Bafoussam. Les gendarmes qui l’ont torturé lors d’une « garde à vue illégale », n’ont jamais été interpellés ou entendus. L’avocat exige le respect de son droit à réparation, conformément aux conventions internationales.

Le 15 juin 2022, le commandant du poste de commandement opérationnel de la gendarmerie nationale à Yaoundé, a rencontré l’avocat Me Jean Claude Tella. Ce dernier lui a remis une correspondance dans laquelle il se plaint de la lenteur observée dans le traitement de sa plainte déposée à la légion de gendarmerie de l’Ouest à Bafoussam.

Pour rappel, il s’agit d’une plainte pour « arrestation, séquestration torture et autres ». Le 29 Mai, des gendarmes en civil l’ont interpellé et jeté dans une cellule à la compagnie de gendarmerie de Bafoussam numéro un, où il a été menotté et torturé toute la nuit par des gendarmes sans aucune plainte formelle contre lui.

« Très curieusement, depuis lors, ma plainte n’a jamais été cotée à un enquêteur pour l’audition des parties  en présence », se plaint l’avocat dans sa lettre, dont nous avons eu une copie.

Il indique que la dite plainte est encore sur le bureau du commandant de légion de gendarmerie de l’Ouest jusqu’en ce moment. En matière d’enquête sur des cas de tortures comme celle-ci, il a peur que le temps efface certaines preuves. « S’agissant d’un flagrant délit, ce retard dans l’ouverture des enquêtes cause un préjudice très énorme tant pour la collecte des indices, que pour l’exposant qui a séjourné plus de deux semaines à cette fin. Les faits relevés dans cette plainte constituent des manquements graves aux devoirs et obligations incombant aux gendarmes et par voie de conséquence, des sanctions disciplinaires idoines doivent être prononcées à leur encontre conformément aux textes en vigueur » poursuit l’avocat.

A cet effet, il exhorte le commandant du poste de commandement opérationnel, de donner instructions fermes à la légion de gendarmerie de l’Ouest à Bafoussam, « d’ouvrir de toute urgence les enquêtes dans ladite procédure, de même qu’une enquête disciplinaire soit ouverte au poste de commandement opérationnel pour que des sanctions soient appliquées à l’encontre des gendarmes incriminés ».

Enquête abandonnée par la commission des droits de l’homme

En plus de la légion de gendarmerie de l’Ouest, Me Jean Claude Tella affirme que la commission des droits de l’homme du Cameroun (Cdhc) a aussi abandonnée l’enquête qu’elle a ouverte. « Me André Marie Tassa est le coordonnateur local de la Cdhc à Bafoussam. C’est lui qui est venu me faire sortir de la cellule. Au niveau de cette commission, ils ont eux aussi ouvert une enquête. Aujourd’hui, leur enquête n’avance plus. Eux aussi ils ne disent plus rien » explique Me Jean Claude Tella.   

James Mouangue Kobila le président de la commission des droits de l’homme du Cameroun rencontré ce lundi  27 Juin à Yaoundé, affirme que « puisqu’il y a retard dans le traitement du dossier, et que l’avocat n’est pas satisfait du traitement de son dossier par l’antenne de Bafoussam, qu’il fasse une requête et qu’il dépose au bureau du président national de la commission des droits de l’homme du Cameroun. Qu’il ne dépose pas le dossier au courrier, mais directement au bureau du président national ».

Il indique qu’à leur niveau, l’enquête consiste à rassembler les preuves qui prouvent que cet avocat a bel et bien reçu un traitement dégradant, et faire pression sur le gouvernement pour que les coupables soient punis».

Réaction du commandant de la légion de gendarmerie de l’Ouest

Ce lundi 27 Juin 2022, en réponse à la plainte de l’avocat plaignant Me Tella sur le retard dans le traitement de son dossier, le colonel Mbang Minlo James, commandant de la légion de gendarmerie de l’Ouest à Bafoussam indique que « l’avocat est attendu depuis pour être auditionné. On l’appel il ne prend pas. Il veut faire le buzz. Il est attendu à l’État-major compagnie Bafoussam 1. Qu’il se présente là-bas. Son dossier a été traité depuis et coté à un enquêteur. C’est lui qu’on attend pour qu’il soit auditionné » affirme le colonel Mbang Minlo James.

Des manquements graves dans la procédure

Sur la question de délai de traitement de ce dossier, puisqu’il s’agit d’un cas de flagrant délit, L’adjudant-chef Motapon commandant d’une brigade de gendarmerie à Bafoussam affirme que dans les normes, l’avocat plaignant devrait être auditionné dès la réception de sa plainte. « L’avocat devrait être entendu sur les faits, le premier jour, dès le dépôt préalable de la plainte. C’est la première des choses. Quant à l’audition des suspects il n y a pas un temps imparti. On sait où les trouver,  il a un matricule et tout. Toutes les auditions, c’est le commissaire au gouvernement qui en est le destinataire. C’est notre procureur chez les militaires ».

Des manquements au droit à réparation

L’article 9 du pacte international relatif aux droits civils et politiques stipule que « tout individu victime d’arrestation ou de détention illégale a droit à réparation ». Ainsi, Me Jean Claude Tella qui a été injustement interpellé et torturé dans une cellule a droit à une justice équitable pour le rétablir dans son droit à réparation. Les gendarmes et autres autorités impliqués dans cette affaire devraient être punis conformément à la loi.

Hugo Tatchuam (Jade)