Comme beaucoup de déplacés, elle a fui la guerre dans le Nord-ouest et Sud-ouest du Cameroun. Nangue Eveline, ses quatre enfants et ses deux petits-fils, ont trouvé refuge près de Dschang dans le département de la Menoua. Elle a tout perdu et ne bénéficie d’aucun soutien.
Isolée au milieu des champs de Fotsetsa à une quinzaine de kilomètres Dschang, une cabane, qui, en temps ordinaire, sert d’abri aux cultivateurs, héberge Nangue Eveline, ses 4 enfants et ses deux petits-fils. Assise sur un canapé de fortune qui sert à la fois de meuble et de lit, dans un salon éclairé faiblement par un faisceau de lumière pénétrant d’une fenêtre sans rideau, Nangue Eveline nous raconte le quotidien de sa famille. « J’ai fui la guerre sans rien prendre. J’ai quatre enfants avec moi, et on a tué leur papa. Depuis trois ans, je suis malade et je n’ai pas d’argent pour aller à l’hôpital. Mes quatre enfants sont partis à l’école au centre-ville de Dschang et présentement je suis seule comme vous voyez. Je n’ai rien ! Je souffre ! Même le maïs que je fais ici, on n’achète pas ! Il n’y a personne pour aller le vendre au centre-ville de Dschang. Je n’ai pas l’argent pour payer le transport. Je n’ai pas de nourriture ! Quand Jean-Marie vient, il me donne un peu d’huile, un peu de nourriture, et mes enfants et moi nous nous débrouillons avec. Le propriétaire de cette maison, aussi, nous donne parfois à manger. Mes deux petits-fils ne partent pas à l’école, parce que je n’ai pas d’argent. Ce sont les grands qui y vont », explique-t-elle.
Planteur à Fotsetsa, Jean-Marie Akemou témoigne. « Ces déplacés vivent dans une maison au préalable construite pour abriter ceux qui fuient la pluie au champ. C’est un tout petit salon et une chambre. Ça a été très difficile au départ. Nous leur avons fait des dons : des kilos de riz, des pains, des farines. Le propriétaire de la maison leur a donné une parcelle de terrain pour qu’ils cultivent de quoi manger. Mais en cas de maladie ou pour acheter de l’huile par exemple, cela reste très problématique pour eux. Donc leur vie est très compliquée ! L’aîné des enfants fait la moto et les jobs dans les plantations pour pouvoir subvenir quelque peu à leurs besoins », nous confie-t-il.
OU SONT PASSES LEURS DROITS ?
Comme pour tous les déplacés des zones anglophones, le sort réservé à Eveline Nangue et à ses enfants est contraire aux droits fondamentaux définis par les textes internationaux. L’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) précise notamment : « toute personne a droit à un cadre de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille ; notamment pour l’alimentation, l’habillement le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté ». Et l’article 26 de cette déclaration indique que toute personne a droit à l’éducation. « Elle doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l’enseignement élémentaire et fondamental. L’enseignement élémentaire est obligatoire ».
Ces dispositions étant claires, il se trouve que le gouvernement a encore du mal à les mettre en pratique dans cette situation de crise qui fait vivre le calvaire à des milliers de personnes déplacées et surtout aux enfants qui devraient bénéficier de mesures spécifiques de protection sociale.
LES AUTORITES SE DEFAUSSENT
Interrogé sur la situation de cette famille de déplacés, le 1er adjoint de la préfecture de la Menoua, Evaga Adelphe affirme : « Les mesures d’enregistrement ont été lancées par la préfecture pour la prise en charge des déplacés, mais certains ont décidé de ne pas venir, délibérément ou par peur de représailles. Ce qui fait que ce cas n’est pas connu des services ». D’ailleurs pour le responsable des déplacés dans les services de la préfecture, Leslie Mushilie, c’est Eveline Nangue qui veut rester en brousse. « Le principe qui est mis sur pied est que tous les déplacés doivent venir s’enregistrer soit à la préfecture, soit à la sous-préfecture de l’arrondissement, là où ils se trouvent. Si quelqu’un est encore dans la brousse c’est qu’il n’est pas informé ou ne cherche pas les informations. Depuis le commencement de la crise anglophone, l’Etat a eu à les accompagner dans tous les aspects, que ce soit pour l’éducation, la santé, la sécurité, la fourniture de denrées de première nécessité, etc. Quant aux enfants déplacés qui n’ont pas d’argent pour aller à l’école, ils viennent se signaler ici et on les aide à s’inscrire dans toutes les écoles de la ville », affirme-t-il.
A la mairie de Dschang, il n’y a aucune action spécifique en faveur des déplacés, sinon des distributions séquentielles de dons, selon le 1er adjoint au maire, Pr Temgoua Emile. Enfin, la Déléguée départementale des affaires sociales, Mme Mouafo Astride, annonce qu’une descente sur le terrain sera effectuée pour entrer en contact avec Eveline Nangue et surtout évaluer la condition des enfants pour leur permettre d’aller à l’école.
Nacer Njoya (JADE)