Tpi de Ndokoti. Privés de justice faute d’électricité

Tpi de Ndokoti. Privés de justice faute d’électricité

De nombreux justiciables voient leurs affaires renvoyées, faute d’électricité dans l’une des salles d’audience de ce tribunal.

Franck Daniel (nom d’emprunt) ne décolère pas. Pour la énième fois, son affaire vient d’être renvoyée par le juge. Poursuivi dans une affaire dans laquelle il dit être innocent, l’homme dit ne pas avoir la possibilité de prouver son innocence à cause des multiples renvois dus à une panne d’électricité dans la principale salle d’audience du Tribunal de première instance (Tpi) de Douala-Ndokoti. « Comment va-t-on être jugé si les audiences sont régulièrement renvoyées faute d’éclairage dans la salle, dès la tombée de la nuit ? Ce n’est pas la première fois. Et cela devient agaçant », lance t-il, furieux en quittant la salle d’audience.

Dans la pénombre, un autre accusé exprime son ras-le-bol. « Je suis là depuis le matin pour suivre mon affaire. J’ai attendu toute la journée parce que mon dossier a été classé parmi les derniers. Et maintenant, une fois la nuit tombée, le juge renvoie l’affaire. Je dois revenir à la prochaine audience en espérant que mon affaire se poursuive », lâche un autre justiciable en colère. Comme eux, c’est l’âme en peine que la vingtaine de justiciables dont les affaires n’avaient pas encore été appelées ont quitté la salle d’audience du Tpi de Ndokoti, le 26 mai dernier, aux environs de 19h.

Salle obscure

C’est que, l’une des salles d’audience de ce tribunal n’est pas éclairée une fois la nuit tombée. Les unes après les autres, les affaires de flagrant délit encore en cours ont été appelées et renvoyées. Pour appeler la vingtaine d’affaires restantes, le juge éclaire les dossiers en sa possession à l’aide de la torche d’un téléphone portable. Elles sont ensuite renvoyées. « Cela ne nous surprend plus. C’est comme-ça ici. Cette salle d’audience est toujours dans le noir dès la tombée de la nuit. Je l’ai vu éclairée après la réfection. Quelques temps après, les installations ont cessé de fonctionner. Elles n’ont pas été réparées. Et depuis lors, c’est la pénombre », explique sous anonymat un avocat.

A en croire l’un de ses confrères, l’absence d’électricité dans cette salle d’audience dure depuis au moins un an. Et quelques solutions palliatives sont souvent trouvées par les juges pour permettre aux justiciables d’être jugés. « Quand les autres salles d’audiences sont vides, les juges se déplacent dans l’une d’entre elles pour poursuivre les audiences. Et quand il n’y en n’a pas, les affaires sont simplement renvoyées », informe un autre avocat qui appelle à la régularisation de cette situation. Comme leurs clients, les avocats dénoncent les pertes de temps, les lenteurs enregistrées dans le rendu des délibérés de ces affaires, sans oublier l’impatience des justiciables dont ils sont régulièrement les souffre douleur.

Droits des justiciables

Ces lenteurs judiciaires violent les textes internationaux et autres pactes ratifiés par l’Etat du Cameroun. L’article 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques stipule à cet effet que « les Etats parties au présent pacte s’engagent à assurer le droit égal des hommes et des femmes de jouir de tous les droits civils et politiques énoncés dans le présent pacte ». Et selon l’article 14 dudit Pacte, « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement  par un tribunal… ».

Pour résoudre la panne d’électricité qui entrave le bon fonctionnement des procès, des responsables du tribunal se sont penché sur le problème. « La panne diagnostiquée dans cette salle d’audience n’est pas qu’un problème d’ampoules. Elle est bien plus complexe et nécessite un diagnostic plus approfondi. Chaque fois qu’on change d’ampoules, elles arrêtent d’éclairer au bout de deux nuits. C’est probablement un problème de circuit électrique», explique notre source. Selon cette dernière, le problème d’électricité dans cette salle fait suite à l’incendie qui s’y était déclaré il y a quelques années. Un plan de réaménagement de ce tribunal est en cours, d’après la même source, pour également mettre fin aux inondations dans les salles d’audiences après les pluies.

Par Blaise Djouokep (Jade)