Il explique comment les militaires camerounais et les soldats séparatistes le menaçaient quand il devait intervenir dans l’un ou l’autre camp pour soigner les blessés.
Racontez-nous ce que vous avez vécu à Bamenda ? Je suis de Wum, petit village de la région du nord-ouest à Bamenda. Je suis ici à Bafoussam dans la région de l’Ouest depuis trois mois. Je travaillais comme médecin dans le village Issou, situé dans une zone enclavée du nord-ouest. Chaque fois que je soignais un militaire blessé de la force de défense du Cameroun, les soldats séparatistes menaçaient de m ‘abattre. De même, si je soignais un combattant séparatiste, les militaires camerounais menaçaient de m’arrêter pour « conspiration avec les terroristes ». J’ai alors compris que ma vie était en danger. J’ai donc décidé de quitter le nord-ouest bien qu’étant médecin fonctionnaire affecté pour travailler dans l’hôpital publique de cette localité. Je devais m’en aller en cachette car si l’un des deux camps apprenait mon intention de quitter la région, il allait tout faire pour m’éliminer. J’étais un témoin : j’avais vu leurs visages, je les connaissais, je pouvais aller les dénoncer.
Vous avez donc planifié votre fuite ? Justement. En partant je n’ai rien pris, j’ai emporté juste un sac à dos, parce que les combattants séparatistes ne devaient pas savoir que j’allais m’enfuir. Ils organisent des barrages sur les routes pour contrôler tous ceux qui se déplacent.
C’est un véritable traumatisme ?
Si vous n’avez pas encore vécu ce qui se passe là-bas, vous ne pouvez pas imaginer les traumatismes que les populations subissent. Il y a des agressions perpétrées par des gens qui se font appeler les «ambazoniens» pour résoudre leurs problèmes personnels. C’est devenu compliqué, c’est du gangstérisme maintenant. Dans le département de la Mentchoum il reste seulement deux médecins en fonction. Tous les autres ont fui. Les médecins des centres de santé où on pouvait soigner les « ambazoniens » ont fui également, à cause des affrontements entre soldats de l’armée nationale et soldats séparatistes. Moi, je me suis d’abord réfugié à Douala. Je n’y ai pas trouvé de travail. Alors, je suis revenu à Bafoussam où j’exerce dans cet hôpital privé.
Propos recueillis par Hugo Tatchuam (Jade)